Le retour direct à la maison serait trop brusque, après une étude détaillée des transports publics, nous louons une voiture.
Départ pour la Vallée du Lot, direction Puy-l’Évêque, la météo est toujours mitigée.
Puis cap au sud, visite de Montcuq, puis de Lauzerte, village médiéval charmant, mais plein de pélerins; pas facile de changer de peau, plus de regards croisés, de l’indifférence, malgré nos souliers, nos sacs, la coquille.
Par contre, hors chemin, nous partageons un déjeuner très chaleureux avec un couple louant une chambre d’hôtes et un appartement de vacances créé avec goût dans la cave (ferme de Laspeyrière).
A Moissac, grande église et cloître roman, nous arrivons en même temps que quelques dizaines de Harley Davidson et grosses cylindrées BMW se garant le long de l’église.
Une grande croix au sol faite de fruits et de légumes complète nos interrogations. La procession de la fête des Rogations va partir.
Cette bénédiction des champs et hommage aux agriculteurs était trés ancrée dans les traditions de cette région et est à nouveau célébrée avec une population enthousiaste grâce au prêtre vietnamien de la paroisse. Jeune et dynamique, cette année la procession se fera à motos de village en village. C’est aussi la journée où les catholiques du Portugal fêtent Fatima, la Vierge. Chants religieux dynamiques des îles, (communauté agricole de Polynésie française), prière à St Christophe, patron des voyageurs, lue par un motard, « Bénédicté » classique chanté où les paroles ont été remplacées pour une bénédiction des motards, statue de la Vierge embarquée à l’arrière d’un pick up qui monte les petites marches en pavés devant l’église, et finalement l’abbé, grimpant en soutane, « bénitier portatif » à la main comme passager de la première moto.
La scène est vraiment intéressante, gaie et quelque peu hétéroclite. Le départ est donné après un concert de « coups de gaz » bien orchestré; j’avais compris que les cloches allaient sonner, erreur… Surprenant ? Cet homme, fils d’agriculteurs, semble très proche de ses ouailles. La recommandation de revenir au retour de la tournée pour la messe dédiée aux agriculteurs nous est donnée, certaines femmes vont y venir en costume traditionnel et l’accent sera mis sur la multi-culturalité. Nous renonçons pour continuer notre route, l’appel de Saint-Jean-Pied-de-Port, (port signifie col en Basque) .
Nous y arrivons en découvrant les contreforts des Pyrénées: montagnes vertes et raides, cônes pointant souvent dans les nuages très bas. Les portes d’entrée datant du Moyen-âge sont bien visibles et la rue centrale piétonne est remplie de pélerins, enfin la journée tandis que le dimanche soir même à 20h., il n’y a pas âme qui vive, presque aucun restaurant ouvert.
St-Jean- Pied-de-Port était une plate-forme commerciale du Moyen-âge et lundi 15 mai, Pierre-Olivier part sur ce passage des Pyrénées qui était la voie reliant Bordeaux et les autres grands ports ou villes françaises à Madrid. Les Celtes, les Romains, Charlemagne, Napoléon, des milliers de pélerins, de voyageurs, de soldats ont emprunté ce passage, le plus aisé pendant longtemps.
Plus prosaiquement, parti seul, à son rythme, il abat les 1200m. de dénivelé sans se presser. Le bonnet, les gants, le gilet supplémentaire rajouté le matin dans le sac, tout a été utilisé dans la pluie et le brouillard.
Arrivé très tôt à l’hospice de Roncevaux en Espagne, il annule sa réservation pour la nuit et rentre en taxi partagé pour me déclarer: » nous devons revenir, le brouillard ne m’a pas empêché d’être enthousiasmé par le paysage » . Les averses ont été aussi fortes qu’imprévisibles ces deux derniers jours; le lendemain nous roulons jusqu’au col d’Ispégui, et le soleil revient.
Nous apprécions Espelette, village lumineux à l’architecture Basque, ses spécialités de fromages de brebis et confitures de cerises noires, chocolat, gelées et autres préparations au piment d’Espelette, le vin local Ereguely et admirons les beaux cotons tissés.
Espelette Ainhoa
Lors de notre retour à Cahors, nous nous arrêtons à Albi, nouvelle couleur après les villages de pierres blanches du Quercy, ocres plus au sud et les façades peintes en blanc avec volets colorés du pays Basque. Cette ville, construite à base du sable du Tarn, est en briques rouges. Son imposante cathédrale, destinée à affirmer le pouvoir ecclésiastique de l’archevêque est vraiment imposante, je la ressens même comme oppressante.
Finalement, notre dernière étape sera de fêter l’anniversaire de Pierre-Olivier à Sauzet, une petite auberge perdue. En mode visite, la gastronomie de la région est plus difficile à supporter qu’en mode pélerin, il est temps de rentrer. Les transports publics disponibles nous mènent par Bordeaux, à Paris où nous avons le plaisir de rencontrer des amis et de visiter l’exposition à la Cité des Sciences sur l’urgence climatique. En dernière étape, nous rentrons dans nos Alpes retrouver notre fille et sa famille chez nous.
Après un bon mois en route, nous n’utilisons aucun pansement, n’avons aucune courbature, juste chacun l’un ou l’autre petit point faible se manifestant épisodiquement le soir, vite oublié une fois en route. Et le matériel ? Rien en trop, si ce n’est le costume de bain, jusqu’à maintenant. Nos chaussons de tissu comme seconde paire de chaussures sont un inconvénient dans les rares gîtes où les sacs et souliers doivent être laissés dans un local nécessitant de passer par l’extérieur pour rejoindre les dortoirs. Par contre, le matériel s’use et le ruban autocollant très solide embarqué en cas d’éventuel accroc à un sac à dos s’avère bien utile pour réparer nos pantalons.
Réparation nécessaire des pantalons qui se déchirent
Après plusieurs colmatages de la dernière chance, ceux de Pierre-Olivier finiront quand même à la poubelle, et mes deux paires sont l’une complètement distendue et l’autre raccomodée à la bande autocollante. Le vieux dicton de nos mères disant que les tissus ont besoin de temps de repos pour durer semble bien correct.
Donc en pleine forme, nous optons pour la vallée du Célé parmi les trois itinéraires possibles (autres: Rocamadour, Gr 65).
Nous démarrons le long de champs et de passages en forêts par une journée devenant de plus en plus chaude. Avant Espagnac, la forêt est sombre, beaucoup de grosses branches sont recouvertes de mousse et nous avons vraiment l’impression de traverser une forêt terrifiante, tirée des contes de fée. Nous apprendrons plus tard que ces branches mortes sont celles de buis, dévasté en 2018 par la pyrale du buis, dont les chenilles, mangent toutes les feuilles. A cela s’ajoute une longue couleuvre de plus d’un mètre vue sur le bord de ce chemin humide surplombant le Célé.
A Espagnac, nous pique-niquons dans le jardin du prieuré et commençons à voir les falaises de calcaire typiques, bordant les méandres du Célé.
Nous arrivons à notre camping au bord de la rivière dans l’après-midi et sortons le costume de bain ! L’eau est terreuse, pas de baignade mais il fait une chaleur estivale; suivront des pluies diluviennes le soir et de bons coups de vent. Juste rentrés dans notre petit mobil-home, ceci nous rappelle quelques souvenirs de camping. Le chemin (Gr 651) passait au-dessus des forêts raides surplombant le Célé, en-bas des falaises. Nous devions rejoindre ce parcours panoramique par un sentier raide entretenu par les gérants du camping.
Malheureusement, le lendemain, le sentier est déconseillé suite à l’orage. Toutefois, deux kilomètres plus loin, nous retrouvons le GR651. Le programme des prochains jours est de monter au-dessus des falaises sur le Causse (plateau calcaire) et de redescendre entre deux falaise au prochain village et ainsi de suite. Les dénivellés ne sont toutefois pas élevés, les chemins sont bien caillouteux, souvent bordés de buis et d’une variété d’autres arbustes. Le Causse est vert, prairies et haies, buis, chênes verts, forêts denses, une sorte de maquis impénétrable. Le paysage est vaste, la météo agréable, l’air au fonds de la vallée est par contre très moite. Ce deuxième jour, notre marche est ralentie par une véritable invasion de chenilles suspendues par leur fil aux branches de chênes verts. Totalement inoffensives, nous n’aimons quand même pas les avoir sur nous, nos habits. Nous nous nettoyons mutuellement très souvent et devenons de plus en plus habiles pour les repérer et progresser en cassant les fils avec nos bâtons.
Observées par les randonneurs que depuis quelques jours, nouveauté pour notre hébergeuse bien de la région, il s’agirait selon mes recherches de la tordeuse verte du chêne, défoliant les chênes verts. En tout cas, il ne s’agit pas de la pyrale du chêne, chenille descendant le long des troncs et urticante. Nos petites chenilles vertes sont inoffensives pour l’humain, testé pour vous par les pèlerins !
Balayage anti chenilles
Nous descendons à Marcilhac-en-Célé, joli village sans aucune vigne et apprenons que le vin apprécié venait d’un autre village proche: Marcillac ! Le temps d’une grosse averse nous fait découvrir un café associatif, principalement anglophone, le chemin est parcouru d’initiatives sympathiques. Nous remontons évidemment immédiatement à la sortie du village sur le Causse pour redescendre à Sauliac. Le gîte est une maison récente croisée avec une cabane, les deux dortoirs de l’étage donnant sur une pièce centrale fermée du côté vallée que par du plastique transparent.
La vue est plongeante sur la vallée et les falaises de l’autre rive. Hébergeuse ayant fait le chemin, construction insolite, voyages en Asie pendant la fermeture hivernale, dans ce pays vert et humide, les toilettes sèches présentées comme un engagement écologique me laissent un peu songeuse. Les modes m’apparaissent plus puissantes pour promouvoir les innovations que les études d’impact objectives.
Le lendemain, en chemin, nous visitons les grottes de Pech Merle où nous admirons des peintures rupestres datant certaines de plus de 25000 ans. Mammouths, chevaux, bisons et un ours sont peints avec du charbon de bois et des oxydes de manganèse et de baryum pour le noir et des oxydes de fer pour le rouge en jouant aussi avec le relief de la roche. Des mains sont peintes avec la technique du pochoir, des empreintes de pas sont bien visibles. Un éboulement a fermé l’accès à toutes les salles, il y a plus de 12000 ans, préservant ainsi ce site, découvert par 3 adolescents expérimentés en 1922. Le réchauffement climatique menace de les abîmer; leur accès, déjà limité, pourrait devenir interdit au public à l’avenir.
Cette pause culturelle intéressante et émouvante nous fait arriver juste à temps à Saint-Cirq-Lapopie, village perché très connu pour son cachet, mais où seulement une poignée d’habitants vivent à l’année.
Raccourci par l’ancienne voie de chemin de fer pour traverser le Lot pour aller à St Cirq Lapopie Chemin de halageArt mural sur le chemin de halageSt Cirq Lapopie
Nous apprécions que dans cet endroit hyper-touristique un vrai gîte soit disponible, géré par la patronne d’un restaurant bien sympathique, offrant un accueil pélerin trés correct. Le dortoir est petit, 4 lits, mais rien à faire, Pierre-Olivier n’est pas un colocataire tolérant les ronflements genre « Grande Vadrouille », alors qu’il est partout ailleurs un excellent dormeur. La soirée est rigolote, en compagnie de quatre copines belges, que nous aurons peut-être l’occasion de revoir. Ces derniers jours, les autres marcheurs allaient de Figeac à Cahors exclusivement, contacts sympathiques mais différents de ceux partagés avec des pélerins au long cours.
Rendez-vous le lendemain, dernière halte avant Cahors, chacun gère au mieux cette journée prévue pluvieuse l’après-midi. N’ayant pas visité le village la veille, nous nous y baladons et partons les derniers; et donc serons plus longtemps à nous faire tremper, sautant même le pic-nic par manque d’abri. Vraiment malheureusement, je trébuche sur le chemin caillouteux, comme la plupart des chemins de cette aventure, alors qu’il est plat et sans difficultés. J’ai mal au poignet gauche, mais il reste 5 km sous la pluie battante et de la descente, par chance non glissante. Nous arrivons au gîte avant son heure d’ouverture, mais au vu des pélerins trempés arrivés en avance, l’hébergeuse ouvre, nous fait du thé et s’organise pour le repas à l’intérieur plutôt que dans la cour pour ses 23 pélerins alors que son maximum habituel est de 15. C’est ainsi cette année, tous les hébergeurs sont débordés, le chemin est victime de son succès. Comme je ne peux plus du tout utiliser mes doigts, le lendemain, le 10 mai, nous marchons juste les deux kilomètres nous menant à l’arrêt de bus pour Cahors, direction hôpital. Nous ne le savons pas encore, mais notre chemin de Compostelle est terminé pour cette fois, je ressors avec un plâtre trop important pour continuer. La suite du voyage est à réinventer.
Chemin faisant, nous goûtons de délicieux farçous, omelettes aux feuilles de blettes et oignons, sur une petite terrasse en pleine nature.
La descente continue pour arriver à St-Côme-d’Olt connu pour son clocher flammé, c’est-à-dire volontairement vrillé, afin de diminuer l’impact du vent.
Nous flanons dans ce petit bourg médiéval, mais de bonnes montées sont au menu de l’après midi, jamais longues, mais raides, le chemin passe par un point de vue (avec statue de la Vierge) dominant Espalion. Pour nous, une étape à l’hôtel de France, vraiment régénératrice. Dormir dans de vrais draps, chambre climatisée donc absolument calme, ce petit hôtel surpasse nos attentes, avec en sus la découverte du vin de Marcillac, où nous passerons d’ici quelques jours.
Le lendemain, pause de midi à Estaing, un village médiéval connu, se retrouver au milieu de touristes non pèlerins est nouveau pour nous, par chance ils sont très peu nombreux.
C’est aussi notre première traversée du Lot, nous retrouverons cette rivière à maintes reprises, et aurons de belles montées et descentes entre chaque passage, alors je rêve d’être un canard, ou je me demande si le bourdon (bâton du pélerin) ne pourrait pas servir de pagaie pour diriger un radeau…
La végétation évolue, les chênes et les noyers sont nombreux. En ayant perdu de l’altitude tout en allant vers le sud ouest, les fleurs, la verdure des arbres, les jardins nous projettent en avant de plusieurs semaines.
Le prochain gîte est formidable, maison de pierres avec une vue sur les prairies et vallons infinie, une cuisine du terroir, des lentilles, un gâteau de St-Jacques pour encourager ceux qui s’y rendent et pour que les autres l’aient goûté, des conseils, explications pour l’étape du lendemain, de petites chambres à deux… Tout ceci tenu par un pince-sans-rire bourru au premier abord, mais plein d’humour venant du Chablais. Les caquelons à fondue sont bien exposés, la confiture est aux abricots du Valais; sous une allure de baba-cool, Léo est d’une efficacité et d’un professionnalisme exemplaire (gîte de Fonteille).
Le 1er mai, nous arrivons assez tôt à Conques, une halte absolument superbe.
L’abbatiale romane de petite surface a une hauteur de plus de 40m. à l’intérieur, et qui lui donne une impression de grandeur incroyable. Le village est niché dans une vallée boisée raide, les moines désiraient s’isoler de la civilisation. Après la bénédiction des pélerins, la présentation du tympan, la sculpture au-dessus de la porte d’entrée, par un des moines est connue sur radio Camino, tant ce moine est un acteur hors pair, ayant de l’humour. Pour moi, il représente la personne qui pourrait intéresser n’importe quelle classe à tout sujet. Le tympan, séparation entre l’extérieur et l’intérieur comme celui de notre oreille, représente le jugement dernier; à gauche le paradis, à droite l’enfer; entre les deux une balance qu’un malin essaie de biaiser du côté dantesque. Nous n’aurions jamais vu l’avare dévoré par un serpent alors qu’il tient sa bourse, le roi trop imbu de sa personne humilié par une femme, l’ordre pacifique du paradis et tant d’autres détails sans ses explications et ses mimes des postures sculptées.
Le public, essentiellement des pélerins, aurait pu l’écouter des heures sur le parvis, l’orateur était tout autant frustré de ne pas nous en dire plus, mais un autre moment magique nous attendait à l’intérieur de l’abbatiale: deux femmes s’accompagnant parfois du violon et du violoncelle chantent en béarnais, une langue occitane. Sans micro, leurs voix résonnent entre ces vieux murs de façon parfaite, franchement merveilleux.
La soirée continue par l’illumination en couleurs du tympan, détail après détail, couleurs très vives comme l’étaient également les couleurs d’origine (plus ternes en enfer qu’au paradis).
La soirée avait déjà bien commencé car le restaurant de notre auberge de St Jacques était vraiment gastronomique. Le charme des vieilles poutres et la salle de bains mansardée de notre chambre sont une source de risques nécessitant une bonne gymnastique vu que nous ne sommes pas des lilliputiens, mais la vue sur le clocher l’emportent largement sur ces inconvénients. Le lendemain matin, nous visitons l’étage de l’abbatiale avec des explications sur les vitraux de Soulages, controversés, ayant remplacé les vitraux classiques colorés. Modernes, constitués de lignes noires sur fonds blanc, taillés dans des morceaux de verre compressés pour changer de nuances de blanc selon la lumière sans aucun reflet sur la pierre, leur but est de mettre en évidence la beauté de la pierre, d’éclairer l’église sans y ajouter de couleur, et de ressembler aux parchemins fermant les fenêtres avant l’époque des vitraux. En tout cas, cette abbatiale est lumineuse et le regard est porté sur les pierres des murs et non sur les vitraux.
Par monts et par vaux, de forêts en prairies, de montées et descentes boueuses un peu glissantes, notre Camino, facteur économique essentiel pour la région, nous amène à Decazeville pour une halte de midi par beau soleil, bien différente: ville minière d’extraction du charbon jusqu’en 2001, créée de toutes pièces vers 1800, dont la statue rend hommage au patron de la sidérurgie de l’Aveyron et où une usine à encore fermé récemment….. Maisons en décrépitude le long d’un axe routier, mais aussi ville ayant abrité un festival de Street Arts donc riche en fresques murales, échoppes tenues par des jeunes, immense hall qui était le laminoir des usines produisant l’acier transformé en hall de patinage, skate, roller. On y sent un vent propice à l’innovation. Le Chemin y passe, détourné pour offrir de quoi dormir et se restaurer aux passants, autre tentative pour relancer un aspect économique. Nous prenons bien du temps, il fait chaud, les commerçants sont très accueillants, mais un coup de chaleur gratifie les grimpettes de l’après-midi, nous arrivons bien fatigués à l’étape.
Arrivée à Figeac
Qu’importe, la prochaine sera courte, 20 km avalés le matin, nous menant à Figeac, bourg médiéval que nous apprécierons bien de visiter aussi le lendemain.
La réservation des hébergements futurs prend aussi du temps, vu que beaucoup sont complets mais nous arrivons pour le moment à nous organiser systématiquement des étapes de 20 à 26 km.
En se promenant, Pierre-Olivier s’enfile sans crier gare chez une coiffeuse, l’heure de la tonte a sonné ! Grâce à ce coup de tête, nous passons de bons moments sympas chez cette jeune maman venant d’ouvrir, les amis de Figeac passent lui dire bonjour, du coup je passe aussi sur le fauteuil et nous allons souper au restaurant adjacent, chez ses beaux-parents. C’est tellement joli et sympa, et notre hébergeuse n’étant pas venue faire le souper comme prévu, que nous y retournons le lendemain. Nous sommes reçus comme des amis, des vieux clients, pourtant le personnel est débordé: c’est la fête annuelle, les Figeacois sont de sortie, manèges et musique dans la vieille ville. Quelques pélerins arrivent tard, surpris par l’ambiance, arborant les mêmes souliers que nous qui avons fait le choix de n’avoir que ceux de marche, même pour sortir ou aller chez la coiffeuse !
Montagne d’asperges
Après une soirée sympathique en compagnie de chansonniers francophones, nous rentrons dans notre « loge de concierge », un studio au rez donnant sur la rue passante, dont la porte et la porte-fenêtre se ferment à double tour, pour un peu d’air, vous repasserez !
Marcher sur le chemin, c’est simple, changer d’hébergement en ne sachant jamais à quoi s’attendre, c’est plus compliqué ! Nous sommes vraiment contents d’avoir pris le temps de parcourir la vieille ville moyenâgeuse (circuit découverte indiqué par l’office du tourisme) en restant deux nuits à Figeac. Les rues abritent de nombreux hôtels particuliers de marchands, aux façades sculptées témoignant de leur richesse, et des maisons d’artisans à encorbellement en bois.
La cathédrale du Puy-en-Velay a été agrandie au 12ième s. alors qu’elle était construite sur la pente d’un ancien cône de lave. Les architectes du 12ième s. ont eu l’audace de l’agrandir en sur-plomb, tenant sur des piliers. Les maisons adjacentes masquent ce profil, mais l’imposant escalier menant de la vieille ville à la cathédrale y donne accès en arrivant par une sorte de grande trappe. Il n’y a aucune porte à l’emplacement habituel de l’entrée, elle donnerait dans le vide. Le samedi 22, jour de notre départ, cette porte-trappe était ouverte, sortie réservée aux pèlerins, gardée souvent fermée à cause du froid qu’elle amène (et tous ces moines, pèlerins etc…. vivaient déjà bien au frais !) Nous quittons donc la cathédrale de façon très conforme, mais faisons un crochet au marché pour nous approvisionner en fromages et, disons, là, au revoir à ma cousine.
Vite un peu en hauteur, nous admirons les vastes étendues du plateau basaltique. Un peu de bétail, des champs de céréales et de lentilles, spécialité de la région, un sol bien caillouteux, nous progressons sur de beaux chemins bordés de murets en pierre sèche et de prunelliers en fleurs. Bien blancs, ravissants, il paraît que leurs petites prunes vertes ne sont bonnes qu’à produire de l’alcool.
Le paysage est vaste, sans avoir du soleil, nous avons au moins la visibilité et marchons au sec jusqu’à notre gîte. L’ambiance sur le chemin et à l’étape est complètement différente depuis le Puy-en-Velay. Au lieu de voir 2 pèlerins, nous en voyons plus d’une dizaine, au lieu de manger seuls avec nos hébergeurs, nous soupons une vingtaine autour de la table. A chacun son chemin avait été la devise donnée à l’apéro d’accueil des Pèlerins la veille, à la cathédrale du Puy en Velay. Autour de la table à Montbonnet, des Coréens assez perdus pour réserver leurs gîtes suivants se faisant immédiatement aidés, une dame reprenant la marche par petites étapes après quelques dizaines d’années, un magnétiseur refaisant le chemin car il a trouvé la Foi à St-Jacques et aimerait mieux comprendre ce qui lui arrive, des jeunes mamans parties entre copines plus bavardes les unes que les autres, un couple de Hollandais très sympathiques et positifs ayant l’habitude des longues randonnées, très calmes … une aubaine, nous partageons la même chambre.
Le lendemain matin, les dômes des anciens volcans et les grands plateaux sont bien visibles, la grande fenêtre du gîte est un endroit idéal,… sauf pour le chauffage…. on doit être devenus douillets.
Nous continuons par ces jolis chemins sur les Monts du Devès pour finalement descendre vers l’Allier par un sentier de forêts, par chance assez sec. Bien des églises romanes jalonneront notre chemin, comme celle de Saint-Privat d’Allier.
Une vue panoramique de la chapelle de Rochegude et encore une descente terreuse jusqu’à Monistrol d’Allier, vraiment au fonds d’une vallée encaissée. Même ambiance chaleureuse au gîte tenu par une infirmière reconvertie s’étant occupée de ma maman, à Ecublens, et une bonne grimpette au-dessus de l’Allier pour retrouver les grandes étendues. Nous quittons les dômes basaltiques pour entrer sur le plateau granitique.
Sur le chemin, un homme de la région nous vend une sorte de pavé de fruits secs agglomérés, c’est délicieux. Il est dans une position très stratégique, juste en-haut de la côte et fait déguster; le chemin à de tout temps été un important lieu de commerce !
Les forêts sont tantôt des feuillus, n’ayant encore aucun bourgeon, tantôt de l’épicéa planté comme toujours pour sa croissance rapide, des sapins et toutes sortes de pins. Nous admirons toujours sans nous lasser les haies bien fleuries et le paysage ouvert de plateau de la Margeride. Nous progressons bien sur cette bonne étape, 24 km et bien 800m. de dénivellé positif nous menant à Villeret d’Apchier. Le soir, ambiance animée, pas vraiment calme et zen, chacun est sur son téléphone pour trouver les hébergements suivants. Plus de fréquentations que l’année dernière à même époque, un engouement post covid important, difficile de respecter l’esprit du chemin qui serait de vivre et s’organiser jour après jour. Nous observons et profitons toujours de beaucoup d’entraide pour se montrer les différentes applications et se prêter le guide. Nous n’avons rien comme papier, ni guide, ni carte, pour éviter de s’alourdir, la référence est le « Miam-miam Dodo », expression latine utilisée par les moines. Après cette soirée bien administrative, nous serons plus relax, ayant nos logements pour une semaine.
Mardi 25, nous continuons à traverser la Margeride, les prairies sont de plus en plus riches en tapis de jonquilles, nous nous sentons parfaitement bien en pleine nature.
Nous faisons halte au lieu dit « Le Sauvage » vers une énorme bâtisse en grosses pierres, qui nous paraît être au milieu de nulle part mais qui était au carrefour de chemins de commerce au Moyen-âge et comme beaucoup d’églises aussi, un hospice pour les pélerins, les voyageurs, les indigents.
Ces plateaux ont un climat rude, venté, les distances sont immenses, nous imaginons dans quel état de santé certains devaient être recueillis. Actuellement, le site est une auberge-gîte, un site de promotion d’une gestion durable de la forêt et bénéficie de son étang d’épuration.
Le lendemain, nous marchons avec de nouveaux amis, nos étapes sont très raisonnables, une vingtaine de kilomètres, peu de dénivellé, alors nous profitons de faire des pauses au soleil, d’avancer sans se presser.
A Lasbros, nous dormons chez « Marie-en- Aubrac » , un gîte en pierres, très traditionnel, chaleureux, le bœuf en d’aube un vrai régal, une authenticité remarquable. Évidemment que la gérante connaît la région et a fait le chemin jusqu’à St-Jacques.
Le lendemain, changement de décors, progressivement quelques bois mais plus de forêts, les vastes étendues caillouteuses sont nues.
C’est l’Aubrac !
Une nuit à Nasbinals, nous logeons dans une bâtisse du 19ième s, internat pour garçons (évidemment rien pour les filles) abritant encore quelques classes. Longs couloirs gris, escaliers imposants, un vrai décor de film. L’accueil est assuré par des hospitaliers, bénévoles ayant fait le chemin et nous avons notre chambrette au grenier. Une première ce 27 avril, nous sortons dans le très joli bourg pour souper au restaurant; à l’exception de notre soirée en Mobil-home tout au début de notre périple, c’est la première fois. Il fait beau, on s’est vu en chemin, on se salue, tout le monde mange l’aligot, une purée de pommes de terre mélangée à du fromage frais de vache, accompagnant ou de la saucisse ou du bœuf d’Aubrac. « Radio Camino » parle des deux filles cheminant chacune seule en bivouac qui pêchent parfois, de la famille aux quatre enfants accompagnés de l’âne « Pivoine », du jeune de 17 ans, et même d’une moustache…
Le lendemain, les Mont-s d’Aubrac (1324m.d’alt.), vallonnés, superbes, au son des oiseaux, avec du soleil, la nature immense nous enveloppe. Aucun bétail ou presque, les vaches sortiront des étables vers la fin mai, les nuits sont froides. C’est avec un peu de regret que nous commençons la descente, pour se rapprocher de la vallée du Lot.
De Chavanay, nous montons d’abord dans les vignes, puis entre les vergers de pommiers et d’abricotiers, équipés de petits brûleurs à cire entre chaque arbre pour parer aux nuits froides. Soleil, pluie et finalement un peu de grêle à la Croix de sainte Blandine (600 m. d’altitude) avant d’arriver à st Julien Molin Molette. Nous faisons nos emplettes pour un souper simple exceptionnellement pris en tête-à-tête. Au gré des pauses, nous voyons plusieurs fois un couple d’allemands et quelques autres pèlerins.
La prochaine étape nous mène à travers la forêt au col du Tracol, puis à 1240 m. d’alt., adieu le bassin du Rhône, passant la ligne de partage des eaux, nous entrons dans celui de la Loire. Nos chemins sont de larges travées d’exploitations forestières (!…). Sur l’autre versant, la végétation est beaucoup plus variée. Pluie, temps frais, restes de neige du jour; presqu’arrivés, Pierre-Olivier a un petit coup de rhume et de fièvre. L’organisation est parfaite, il soigne sa petite crève, nous prenons un jour de repos au gîte des Sétoux, deux nuits à profiter du meilleur confort jamais eu depuis le départ et il neige et vente toute la journée; nous sommes à 1100m. d’alt. Une meilleure synchronisation aurait été impossible.
N’ayant aucune provision, nous allons à midi au café du hameau, restaurant de Pays proposant le bœuf AOP Fin Gras du plateau du Mezenc, une découverte gastronomique et intéressante. Les vaches sont dehors l’été, dans des prairies d’altitude de fleurs variées et spécifiques. Le climat très rude oblige de garder les bêtes à l’étable de nombreux mois, mais elles ne sont nourries qu’avec le foin local, sans enrubannage ni ensilage, d’où le peu de bêtes à l’hectare. La création et le succès de cette AOP préserve l’avenir économique et social sur ce plateau, ainsi qu’une excellente biodiversité.
Bien reposés, nous repartons par le brouillard, auquel nous n’échapperons pas chaque matin les 4 prochains jours, soit jusqu’à Puy-en-Velay. Forêts, prairies, vastes étendues, mais aussi points de vue passés sans beaucoup de visibilité, hameaux plus ou moins vides rendus encore plus lugubres par la brume. Ces étapes nous laissent plus de souvenirs quant aux contacts avec nos hôtes, ou à la variété du confort aux hébergements toujours imprévisible que d’images de paysages exotiques. Toutefois, nous devinons ces collines circulaires, anciens volcans n’ayant jamais explosés, des dômes de magma. Auparavant, nous avions admiré la collection des douze tableaux flamands du 16ième s. (Albert Grimmer) à Montfaucon-en-Velay. L’histoire de cette collection qui a échappé à la destruction lors des révoltes protestantes et lors de la Révolution, et a ensuite été retrouvée après avoir été volée en 1995 est un véritable roman policier.
A l’approche de Puy-en-Velay, notre chemin suit la Loire puis la Borne, le soleil est bien revenu, et nous voyons les rochers, plus ou moins plats sur le dessus, anciens cratères remplis de lave refroidie, du basalt, sur lesquels sont construites des églises fortifiées ou la statue de la Vierge « notre Dame de France ». Les volcans eux-mêmes, de roche plus tendre ont été érodés.
Notre Dame de France, faite avec les canons pris aux Russes en Crimée par Napoléon
Chemin faisant, ma cousine arrivée de Londres arrive à notre rencontre; c’est le début de notre pause touristique de deux journées et demi. Cela fait 18 jours que nous sommes en chemin, dont une petite étape esquivée par du stop et un jour complet de pause à se reposer en regardant tomber la neige. Nos jambes, nos pieds, tout va vraiment bien physiquement, mais personnellement je manque terriblement de sommeil. Nous apprécions vraiment le luxe salutaire d’un appartement très confortable pendant ces quelques jours. Le matériel emporté dans nos sacs nous convient, la seconde paire de chaussures non embarquée ne nous manque pas. Là encore, ma cousine a été d’un secours formidable, en me prêtant une paire pour que je puisse donner la mienne à ressemeller.
Cathédrale du Puy en Velay
Nous visitons la vieille ville moyenâgeuse , l’abbaye de la Chaise-Dieu dans les environs. Immense église, cloître et une visite historique très instructive grâce à un circuit animé. Nous sommes dans l’époque des deux papes (Avignon et Rome, la peste noire 1348, la puissance et la richesse de tout le réseau de monastères et d’abbayes rattachés à la Chaise-Dieu) . En ces temps d’extrême pauvreté, l’église justifiait sa richesse comme un besoin de rayonnement, d’apporter du beau et du positif à la misère. Deux papes, ayant un sens certain de la politique et de la diplomatie seront originaires de la confrérie des moines de la Chaise-Dieu. Le premier combattra sans pouvoir l’empêcher le massacre des Juifs tenus responsables de la peste, et tiendra à l’entretien du pont d’Avignon vu que c’est à l’époque le seul endroit permettant de franchir le Rhône, donc de relier Lyon à la mer. Les papes sont à Avignon suite à l’instabilité à Rome. L’architecture de l’abbatiale romane est grandiose, nous faisant presque oublier la température austère et crue dans tout le site.
St Michel de l’Aiguilhe construit sur la cheminée volcanique Abbaye de la Chaise Dieu Cloître de la Chaise Dieu
Le soir, nous sommes des gastro-pèlerins, découvrant un petit restaurant branché innovant, ou un tout aussi minuscule café recommandé par nos derniers hôtes où les locaux se retrouvent devant de belles pièces de viande provenant des plateaux aux alentours. Finalement, pour un repas « chez nous », nous profitons de l’Auvergne et de sa légendaire richesse en fromages après une visite guidée proposée par un spécialiste du Moyen-âge, via l’office du tourisme.
De Yenne, nous grimpons au Mont Tournier par la variante du chemin, ensoleillé et sec, absolument bucolique entre prairies et haies avec de beaux dégagements vers les collines de l’est. Le chemin classique offrant de beaux belvédères sur le Rhône est entièrement en forêt, plus raide, potentiellement boueux, déconseillé en ce moment. Par une piste VTT bien sinueuse, nous atteignons le sommet, balcon sur le Rhône. La soirée sera très sympathique, chez une paysanne à la retraite ayant eu 70 vaches laitières. Elle nous parle de la rénovation de cette ancienne bâtisse, les locaux que nous occupons ayant été laissés à l’abandon, ils abritaient beaucoup d’hirondelles, qui appréciaient les clous plantés dans les poutres provenant de la forge, pour accrocher leur nids.
L’approche de plus en plus écologique était toujours très pragmatique, et l’évolution de certaines façons de travailler, comme la production de leurs propres céréales et semences pour nourrir leurs vaches ou l’élevage de deux taureaux, à la place de l’insémination artificielle, ont toujours mené à des économies. Les autres productions maisons sont l’huile de noix, des centaines de kilos cassées pendant les soirées et les confitures évidemment. Nous dégustons des saucisses de Savoie, nommées diots, gratinées avec des crozets, pâtes de sarrasin. Le lendemain, nous les quittons alors qu’ils commencent à allumer le four banal, juste restauré, pour l’inaugurer le lendemain, jour de Pâques.
Après un jour de météo et paysages variables, nous retrouvons avec grand plaisir une amie de Gryon au « Petit coin tranquille » avant les Abrets pour une soirée gourmande fort sympathique au restaurant bien animé du camping familial. Le petit dernier prenant son biberon avant le début du service, dans les bras de sa maman alors qu’elle prend déjà les commandes. Puis il sera installé proche du passage, mis immédiatement au parfum de l’activité familiale. Le tampon pour nos crédentiels était introuvable, pas grave du tout, mais ma foi les fillettes avaient envie de bricoler, et savaient, elles, où il était ! Il fait frais, et le dortoir où nous ne sommes que les trois n’a pas d’accès direct aux sanitaires. Une pensée pour notre hanneton resté chez nous.
Le lendemain sera notre journée défi…. Un challenge imposé par le manque de logements libres et ouverts, une journée de plus de 30 km et 700m de dénivellé positif.
De belles forêts, du soleil, nous avons beaucoup de plaisir à cheminer à trois, jusqu’à la dernière descente, très raide dans un chemin de galets ronds roulant les uns sur les autres pour arriver à Grand-Lemps, et la petite remontée à notre logement chez un couple très chaleureux. Ayant pitié de nous, Pierre-Olivier est amené en voiture jusqu’à l’automate à pizzas.
Les prochains jours, nous longeons de beaux jardins, malheureusement la traversée des villages est jalonnée par les aboiements des chiens derrière les clôtures. Les cerisiers sont en pleine floraison, absolument magnifiques, il s’agirait en bonne partie de griottiers. Nous avons pendant deux jours la vue sur le Vercors et la Chartreuse, au-delà de la vallée de la Bièvre, entièrement domestiquée par l’agriculture, aucun castor n y a plus sa place et la rivière elle-même ne semble plus trop visible.
Nous faisons des rencontres extrêmement chaleureuses en logeant chez d’anciens pèlerins avec le sentiment d’être reçus chez des amis.
Ces bénévoles nous expliquent leur engagement pour la valorisation du patrimoine de leur village, ou d’un site de sources abritant des orchidées entre autres. Ayant sauté une étape parcourue en stop car ma toux m’avait épuisée, j’ai été dorlotée avec gentillesse.
Nous visitons le jardin en saluant la variété des poules et partageons les anecdotes marrantes de voyage à pied, à vélo, et les souvenirs de camping. Un couple nous chante le chant du pèlerin pour notre départ.
La traversée d’est en ouest de la vallée du Rhône pour rejoindre Chavanay sur la rive droite sera une étape courte mais très désagréable, goudron, petits tronçons le long des barrière de sécurité. Chavanay est au pied des vignes, le parc du Pilat se profile, nous nous réjouissons de grimper par des sentiers.
La balance de cuisine nous instruit, un petit pull tout léger 100g, les polaires 150 à 500g. Au fil des jours, nous refaisons le tri, aucune autre paire de chaussures que les souliers de marche seront admises, les mules en plastique non plus. Pierre-Olivier doit faire le deuil de sa mini cafetière qui avait sa place même dans les sacoches vélo et moi randonner pour la première fois avec une gourde au lieu de mon thermos. L’objectif des 9 kg, avec l’eau et la veste semble atteint, notre pèse personne étant d’humeur variable.
Demontage d’un Scrabble de voyage, pour diminuer le poids du plateau et utilisation d’un autre jeu pour compléter les fiches manquantes.
Vendredi 31 mars, départ pour Bex après la grosse pluie, histoire de sentir que c’est raide par chez nous, aussi vers le bas.
Nos voisins sortent de leur chalet, d’en bas, d’en haut pour nous dire au revoir alors que nous partions les deux sans crier gare, que d’émotion.
Les festivités de départ se succèdent, soirée chez notre fille et sa famille, café chez une amie de longue date le lendemain, puis visite de la vieille ville de Genève,
coup d’œil au St Jacques du vitrail de la cathédrale avec ma filleule et sa famille.
Un petit air printanier aux bains des Paquis, avant de replonger dans le mauvais temps. Une panne d’électricité à la gare de Genève complique notre arrivée chez les amis qui nous hébergent, pèlerins des le lendemain, cela ne nous arrivera plus. Nous quittons Carouge dans le calme d’un dimanche matin gris, et rejoignons de belles forêts.
Je suis plutôt malade, bonne toux, notre étape nous paraît bien longue, mais nous apprécions les forêts,
Pélerin dans la forêt
la chapelle Ste Marie à la Chartreuse du Pommier,
la vue sur le jet d’eau lorsqu’on ne s’y attendait plus,
mais pas la pluie avant d’arriver enfin à Charly, au gîte pèlerin.
Nous cuisons notre riz pris du chalet agrémenté de l’ail d’ours cueilli en chemin, les pieds posés sur un vieux journal tellement le sol est glacé, comme l’ensemble de cette vieille maison, au charme désuet de certaines mythiques auberges de jeunesse. Les contacts sont toujours l’avantage des gîtes; a-t-on entendu à maintes reprises. Heureusement, nous sommes seuls et pouvons ainsi accaparer les 4 couvertures trouvées. De petites flaques entourent le lit le matin, le radiateur est glacé et coule…. Mais le reste de riz est un très bon déjeuner, et la seconde journée se termine par du soleil.
Desingy
Belles forêts, chemins en balcon, un trajet sympathique mais acrobatique: en équilibre dans la boue, les cailloux mouillés et les racines, zigzagant entre les flaques, le trajet est long jusqu’à Frangy, et plus de muscles semblent avoir été sollicités!
P.-O héritent de quelques-uns de mes virus, à moi le grand air a fait du bien. Notre mignonnette chambre bien proprette nous abrite pour un kebab tiède cherché à la seule enseigne ouverte le lundi soir.
Mardi 4 avril: prairies et forêts en balcon au dessus de la vallée du Rhône, le ciel est bleu, belles vues mais une terrible bise, un air bien froid, disons pas inadapté pour marcher mais nous avons quelques pensées pour les gants ou un pantalon plus chaud qui n’avaient pas passé le test de la balance. Arrivée au camping de Serrière en Chautagne, logés dans un Mobil home aux murs de papier faux-bois, et au chauffage électrique décor feu de cheminée. Il est propre, juste pas isolé et nous chauffons la campagne toute la nuit.
Le lendemain, nous longeons le Rhône ou souvent un des bras, calme, relaxant, quelques cygnes, berges naturelles jusqu’à Chanaz, petite cité médiévale et touristique au bord de l’eau. De plus, nous sortons le chapeau de soleil, les lunettes et la crème solaire, quel bien ! Après Chanaz, nous grimpons jusque dans les vignes du vin de Jongieux, Gamay que nous apprécions le soir, pour finir à nouveau le long du Rhône jusqu’à Yenne où nous jouons les pèlerins bon vivants, après les pélerins plus naturAListes que religieux, l’une ou l’autre église nous ayant échappé.
Mardi 14 : Divalala, théâtre du Grand point Virgule. 3 chansonnières voix superbes, chansons françaises re-visitées, drôles, dynamiques, A Capella superbes.
Souper ensuite au Bouillon de Montparnasse, magnifique brasserie, énormément de monde, un peu usine, chaîne apparemment très en vogue parmi les Parisiens. Mercredi 15 : Cité des Sciences. Jour adéquat, la Cité des Sciences est au nord, importante manifestation pour les retraites au sud, rive Gauche. Expo sur les foules, approche sécuritaire. Une foule: danger potentiel mais aussi levier de changement puissant comme le montre l’histoire. Photos et vidéos impressionnantes de foules dans le monde, Inde, Japon . Également une exposition sur l’évolution industrielle, la démographie et un planétarium, présentant la création de la Terre. Souper au restaurant Le Riché, rue Riché. Nouvelle cuisine, belles présentations, ingrédients inhabituels, très bon. Nous étions à Paris aussi pour acheminer des cadeaux de Noël n’ayant pas pu suivre leur destinataire en voyage. L’excellent chef de cuisine étant notre intermédiaire. Jeudi 16 : pause shopping (BHV). Que de gaité et de couleurs vives dans la nouvelle mode: orange, rose fuchsia et vert herbe combiné éventuellement à du bleu vif. Retour aux années 80! A quand les pattes d’éléphant? Black Legends, théâtre de Bobino. Superbe spectacle dansé et chanté avec passion, émotion retraçant un siècle de lutte des Noirs aux USA pour leurs droits. Les grands tubes de Jazz, Soul, Hip hop sont superbement interprétés, chorégraphies exigeantes, fantastiques. Beaucoup d’enthousiasme dans le public, des connaissances ou des fans saluent les danseurs à leur sortie dans la rue. Ces artistes participent à des comédies musicales à budget plus important, mais tous s’impliquent à cause du thème. Toujours aucune perturbation due aux grèves ou manifestations, mais, dans ce quartier spécialement, nous nous faufilons parmi de grands amoncellements de déchets, suite à la grève des éboueurs. Vendredi 17: journée balade, vers Montmartre. Dîner « chez Georges », rue du Mail, brasserie indiquée par des « locales » rencontrées au restaurant du magasin BHV la veille. Le contact est facile, sympathique, mais celles-là en particulier votent Le Pen et estiment que seuls les journalistes la positionnent bien à droite. La manière dont Macron prend les décisions de façon dictatoriale les heurte plus que le contenu des décisions.
Suite à la recommandation de nos voisins de table dans un bistrot, nous sacrifions au dieu US en allant voir Le Roi Lion au théâtre du Mogador. Décors, accessoires incroyables, beau théâtre. C’est splendide, parfaitement mené mais sans la dimension émotionnelle de Black Legends. Samedi 18: Musée d’Orsay, impressionnistes, jardin des Tuileries, début de plate-bandes fleuries, les magnolias en fleurs, moins de déchets, les sportifs s’en donnent à coeur joie, course, mais aussi boxe, gymnastique entre autres au bord de la Seine. Les quais sont piétonniers.
Dîner réservé à la brasserie Bofinger, choucroute. Très grande brasserie, délicieux vins alsaciens, la choucroute nous surprend, peu acide. Nous sommes bien décalés, dîner à 14h30! Retour à pied par la rue des Rosiers, charmante, animée, tombons sur la chocolaterie « La mère de famille » dont nous avions reçu des chocolats à Noël. Excellente pièce de théâtre dans une toute petite salle: théâtre de Passy, sur la vie d’exil en Suisse de Coco Chanel (Coco Chanel en hiver). Diction parfaite, page d’histoire intéressante et portrait de cette femme diabolique. Sans sentiments, à part probablement pour un officier allemand, elle gravite autant dans le milieu des collabos et des nazis, qu’elle a de contacts avec Wilson Churchill, le duc de Westminster ainsi que des artistes surréalistes, Cocteau, Picasso, notamment. Dimanche 19, nous rejoignons notre TGV, toujours sans avoir vu un manifestant. Seules quelques gares de métro étaient fermées par moments. Quatre jours sur place, cinq soirées dont quatre spectacles, c’était une réussite totale, mais nous ne jouerions pas les prolongations. Plongés dans un autre monde, où les traditions culturelles, y compris gastronomiques, le patrimoine architectural si riche, l’histoire à chaque coin de rue, ainsi que les problèmes concrets et immédiats d’une partie de la population, rendent la projection dans le futur et la transition énergétique difficilement imaginables à nos yeux. La ville nous apparaît comme une magnifique tourte mais meringuée* par les problèmes sociaux.
*Meringuée? Vous avez déjà essayé de couper un gâteau meringué? Cela est impossible, la coque se fend en grosses plaques aléatoires, craquante elle n’a aucune souplesse pour les compromis, mais elle est bien réelle, importante et ne peut ni ne doit être négligée. Au contraire, le respect est la seule appréhension collaborante. En l’état, elle empêche d’atteindre l’essentiel, le cœur, les autres problèmes plus profonds, urgents liés au réchauffement climatique, y compris l’adaptation de la mobilité et du bâti. Ici tout renvoie au passé, architecture, conditions sociales et « Rois Soleil ». Comment rêver le futur dans ce cadre rigide?
De retour à Hirtshals, départ pour Skagen, la rencontre des deux mers. Comme d’autres, je ne résiste pas à continuer à marcher, même dans l’eau sur la bande de sable séparant la mer du Nord et la Baltique. Les vagues s’entrechoquent mais l’océan est peu formé. Beaucoup de monde, et subitement devant nous sur le sable, il est là, solitaire, tranquille ; impossible de respecter la distance de sécurité de 50 mètres recommandée pour ne pas le déranger, le cordon de plage est bien trop étroit.
Une autre rencontre imprévue …
Skagen, fresques sociales au musée
August Hagborg, 1879P.S. Krøyer pêche infructueuseP.S. Krøyer
Au bord de la Baltique, à peine plus au sud, escale dans les dunes, à Kanalvejen
Ålbaek, fish & ships au port
Près d’Ebeltoft (Blushoj), nous nous installons dans un camping en terrasses où nous contemplons le phare et les voiliers, depuis notre place. Notre voisin est un habitué, très sympathique, qui alerte Pierre-Olivier le matin suivant, je me sors des plumes au plus vite : les marsouins nagent au large. L’endroit est superbe, mais la plage a des algues et des cailloux.
Qu’importe, nous partons visiter Ebeltoft à vélo, il fait grisouille, alors hop pour le musée du verre soufflé. La démonstration par une souffleuse est intéressante, polissage, technique pour obtenir un verre à bulles, bien des étapes en plus du travail du souffleur de verres de nos laboratoires, coincé dans son minuscule atelier ….Le reste du musée ….c’est-à-dire presque rien! Juste de quoi se demander pourquoi du bel art moderne n’est jamais présenté, remplacé par des complications intellectuelles perdant le visiteur.
La ville est mignonne, rues pavées, maisons à colombages colorées, petites cours, boutiques d’artistes, terrasses.
Mairie de 1789, encore en fonction
Une autre ballade pour aller à une belle plage, de cailloux aussi mais presque sans algues, l’eau est encore agréable. En chemin nous ramassons quelques mirabelles plutôt que de leur rouler dessus.
L’ambiance du camping est particulièrement chaleureuse, le soir subitement le « da, da » retentit, un voisin a ses jumelles, et finalement toute une équipe contemple les marsouins depuis chez nous ; évidemment c’est le soir de grillade (première viande depuis le départ !) et nous nous mettons à table là au milieu.
En route pour Faaborg, départ du ferry pour l’île d’Aero, encore des rues pittoresques, des maisons de commerçants témoignant de la navigation marchande du 19ème siècle. Une artiste céramiste a mis une table de plus devant son échoppe, pour y vendre à vraiment petits prix les jouets de ses petits-enfants, ayant passé à une autre étape. Le seconde-main est vraiment présent partout. Terrasses sympathiques, il fait beau, un glacier attirant bien du monde, enseigne alléchante, nous tentons pour la seconde fois la spécialité des glaces danoises, soft-ice recouvertes de paillettes…Énormes, avec une base de crème glacée au goût peu défini, elles ont beaucoup de succès mais après l’essai en taille moyenne ou enfant, on ne nous y reprendra plus malgré notre gourmandise reconnue!
Ile d’Aero, 30 – 40 km de long : une oasis encore plus calme que le reste du pays. Championne du développement durable (prix européen de l’île responsable 2021), panneaux solaires thermiques pour le chauffage, bus gratuit, encore plus de vente d’objets en self-service par des particuliers avec une petite tirelire : habits, bibelots, pommes, miel, confitures, (et bocaux vides ramenés) sont présentés sur des étagères devant les portes d’entrée. Parfois, une corbeille de pommes gratuites ! mais la saison touche à sa fin, nombreuses au sol mais pas toujours bonnes.
Ah, le vélo, sa lenteur, porte ouverte sur les découvertes spontanées
Aeroskoping: le plus charmant des ports, la quintessence en terme de maisons à colombages colorées biscornues, roses trémières devant les portes, bougies et objets décoratifs sur les rebords de fenêtres. Un glacier proposant des glaces aux fruits artisanales, riches en fruits, absolument exceptionnelles, l’antidote aux glaces danoises courantes.
Une soirée en haut de falaises de roche tendre, riche en fossiles, endroit idyllique …sauf les nuages de poussière à chaque passage du paysan qui sème.
Le lendemain, samedi, grande résolution de tour à vélo mais une panne de gaz nous occupe. Sans solution le week-end, nous visitons Marstal, un des autres petits ports de l’île, plongeon dans l’histoire de la marine marchande à voiles. Petit paradis hors taxe, les grands voiliers amenant céréales de Russie, charbon d’Angleterre, poissons de Bergen, bois de Finlande et de Suède y faisaient escale. Port d’attache d’un peintre de navires et de paysages du Groenland (Jens Erik Carl Rasmussen) et d’un auteur (Carsten Jensen) relatant cette époque (Nous, les noyés) et la vie du peintre, (le dernier voyage), deux livres que je glisse dans ma « to-read list ». Incroyablement riche mais de présentation désuète, le musée bat le record du nombre d’illustrations et d’objets par mètre cube, avec l’odeur de vieux en prime, ce qui participe à nous plonger dans ce siècle maritime aventureux.
Cabanes de plage
Dimanche soir
Le magicien d’Alice, version brune, bien dodu dans une prairie ne nous porte pas chance. Le moteur qui remonte notre marchepied fonctionne (ouf, nous pouvons rouler) mais fait un bruit horrible de vieille ferraille pendant un bon moment, à chaque utilisation avant de se taire (Re-Ouf!). Nous utilisons ce marchepied car notre hanneton est haut, vu que sa garde au sol a été surélevée pour lui permettre d’utiliser de mauvaises routes ou chemins. Premier réel incident, je regarde le compteur : 99’999 km ! (Pas triché, ….promis). Nous n’avions pas de champagne à bord pour fêter les 100’000 km sans pannes !
Lundi 5 septembre
Retour à notre petit problème de gaz (bonbonne de réserve suisse sensée être pleine s’avérant vide) et à notre intention de tour à vélo. Le gaz c’est le casse-tête pour qui aime varier ses destinations démontrant la non-harmonisation européenne où elle serait juste pratique et ne porterait pas atteinte à la spécificité culturelle ! Problème résolu grâce à l’extrême gentillesse de la famille gérant le camping de Soby. Nous ne pouvons toutefois pas échapper au fait de revenir avec une bonbonne danoise, enrichissant notre collection. Après s’être renseigné sur la possibilité de remplir une de nos bonbonnes, avoir cherché sans succès sur internet une bonbonne d’occasion, ils nous fournissent une bonbonne danoise à conditions spéciales. Devant tant de dévouement, nous leur demandons une place dans leur camping, mais l’ordinateur est lent ce jour, le camping minuscule bien plein, alors la propriétaire me suggère d’aller me mettre sur la plage et de revenir pour tout besoin telle que la lessive ! (Sans nous acquitter d’un emplacement). Cela va avec le verger de pommiers juste à côté…
Nous pouvons finalement pédaler, contre le vent sur plus de 30 km pour constater que le lundi est jour de fermeture du glacier testé le premier jour. Drame, c’était l’objectif.
Mardi, en retournant au port d’Aeroskoping pour prendre le ferry, RE-drame : le glacier a deux jours de fermeture hebdomadaire…Lundi et mardi.
Svendborg, petite balade admirative sur le quai des voiliers en bois.
Fort de Langeland : une ancienne base de l’armée danoise, donc de l’OTAN, convertie en musée dédié à la guerre froide. Les efforts militaires déployés pendant cette période, l’importante perception du risque, le recrutement important de jeunes Danois dans des unités sur terre, sur eau, de protection aérienne et impliqués à l’étranger mais également le scepticisme de certains militants pacifistes y sont abordés. Malheureusement, nous souffrons du peu de traductions en anglais ou allemand. La guerre froide et les risques de guerre présentés comme une page tournée laissent songeurs…
La météo maussade nous pousse vers le sud, et nous nous retrouvons du coup plus vite que prévu en Allemagne. Aie, plus de « Roggeri » (fumoir de poissons) ouvert, les petits achats de maquereaux fumés n’ont pas été possibles. Cette côte du Danemark ne peut laisser personne insensible au charme de ses petits ports. Par contre, les champs à l’intérieur des terres sont un peu monotones à notre goût et nous n’avons pas vu de belles plages de sable comme au bord de la mer du nord. Nous ne sommes toutefois pas allés aux destinations réputées pour la baignade, nous sommes en septembre et depuis notre retour de Bergen, la météo a tourné en lumières automnales.
Nous gardions un excellent souvenir des plages de la Baltique allemande longées lors de notre voyage à vélo, qui date quelque peu (2010). Mais dans cette baie de Neustadt en Holstein, les campings sont denses, la côte construite, nous trouvons une ferme accueillant les nomades de notre style ; la pluie nous fait renoncer à flâner dans les rues de Lübeck. Pendant ce temps, vers Lausanne, l’eau monte dans la cour de notre ancienne maison, chez notre fille et sa famille. Autant rouler pour profiter du soleil quand il sera revenu en Suisse.
Arrêt à Seebourg, puis à Bald Waldsee, patrie des campings cars Hymer, (tout près du lac de Constance). Au moins, nous pouvons savoir quelle pièce est à commander avant de donner notre Hanneton pour réparation du marchepied, ce sera certainement un gain de temps énorme.
Nous nous réjouissons beaucoup de retrouver toute notre famille à Amden où nous avons organisé un week-end de regroupement familial. Amden? Juste logique entre Bretigny, Innsbruck (notre fils est en congrès) et Paris.
La fête chez nos amis : une belle soirée sans vent, une halle à bateaux transformée en halle de fête, un orchestre , des food trucks, un bon mélange de générations, des Québecois prêts à venir skier chez nous, un bar à cocktail et un barman pro, une nouvelle occasion de boire un bon vin blanc allemand.
Le lendemain de la fête, en selle pour le château Renaissance de Glücksburg. A l’époque, mariages plutôt que réseaux sociaux, Christian IX, un de ses propriétaires surnommé le père de l’Europe, a établi de nombreux liens entre familles royales, de la Suède à la Grèce grâce à ses nombreuses filles.
Puis départ pour Flensburg, ville sympathique, ses quais sentent les vacances, j’adore toujours autant les vieux voiliers en bois.
Nous dégottons un mini-bistrot dans une ruelle pour un petit dîner. Quelques tables aguichées sur une mini-terrasse en bois, un ou deux plats proposés, très simples, la fille du patron aide au service, une ado, ce n’est même pas 15h et elle est déjà rentrée de l’école. Un petit coin hors du temps, alternatif et propret sans être bobo-chic. Par contre, durant ce voyage, nous constatons que l’utilisation vaisselle non jetable n’est pas du tout répandue dans les snacks, dommage.
Une nuit bien au calme le long d’un chenal du port et nous partons pour la côte ouest, au sud de Hvide Sande.
Nous campons entre lagune et mer, d’un côté les kite-surfs, de l’autre la dune et la plage s’étirant sas fin le long de cette côte. La piste cyclable EV12 (piste nationale N°1) serpente entre la bruyère, les monticules et les résidences de vacances, en deçà de la dune, bucolique, un peu ensablée parfois. Ce cordon de sable créé par le vent aurait totalement fermé la lagune en un lac si une écluse n’avait pas été aménagée à Hvide Sande. L’atmosphère de ce port développé il n’y a qu’un siècle lors de l’aménagement de l’écluse est particulière, entre port de pêche industrielle et station touristique. Tout le monde se rend au magasin de poissons, le fumoir est sur place.
Le plaisir de voyager c’est d’essayer de comprendre ce qu’on voit….alors cette structure sur 4 pieux, en partie dans l’eau?
Ce bateau peut soit flotter et être autonome pour se déplacer, soit être stabilisé par les pieux, soit être totalement surélevé, reposant totalement sur ses 4 pieux, posés sur le fonds de la mer. Son équipement de grue sert à la construction des socles, et à la pose des mâts et des pâles d’éoliennes en mer, travaux exigeant grande précision et stabilité. Il est vrai que le paysage en est couvert. Ce sera notre apprentissage du jour avant de pédaler pour rentrer à notre Hanneton, tout en grimpant pour voir la mer de temps à autre.
L’architecture en briques de Ringkobing, les entrées surélevées, une ambiance au passé industriel.
En reprenant la route vers le nord, la flore se modifie, moins de bruyère, moins de vert, des herbes sèches, des falaises de sable nous offrant une place 5 étoiles près du phare de Bovbjerg à Ferring avec vue sur la mer et coucher de soleil, mais soirée à l’intérieur; il vente, et nous ne sortons de toute façon pas la table sur les emplacements dans la nature.
Nous partons voir le phare et …un panneau propose un parcours vélo panoramique. Adjugé, nous pédalons à l’intérieur des terres, d’églises blanches en collines, les rouleaux de paille attendent dans les champs d’être amenés vers les fermes. Là, le tableau serein et grandiose perd de son charme ; alors que les fermes sont de belles bâtisses en briques, immenses, elles sont affublées de longs hangars à cochons, l’odeur de la mer n’arrive pas en étouffer les émanations.
Nous passons près de plages calmes, ambiance de lac mais d’eau salée, puis à Lemvig, petite station balnéaire. La boucherie y est très alléchante, le porc sous toutes ses formes ! Mais le coup d’oeil jeté dans un hangar ne nous a évidemment pas convaincu.
Il paraît que notre altitude ne dépassera pas 53mètres et pourtant que de minuscules grimpettes, raides, du gravier parfois aussi, nous rentrons bien fatigués (route 409 , 50 km), passant à nouveau vers le phare et les falaises de sable les plus élevées du Danemark. L’érosion œuvre, un bout de la piste cyclable doit être contourné car il n’existe plus, tombé en bas de cette falaise. Des panneaux parlent de naufrages, nous rappelant que l’ambiance chaude et ensoleillée n’est pas la règle, et que l’hiver doit être extrêmement rude. Pour le moment, de bonnes vagues, des pêcheurs à la ligne le soir, notre voisin ramène 4 maquereaux mais aucun baigneur ou presque, donc nous aurons à nouveau pédalé et contemplé la mer sans s’y baigner, alors qu’elle a 20°, une hérésie !
Le lendemain, avant de continuer notre route toujours vers le nord, nous nous baladons dans la dune, le long d’un des tracés balisé « Vélo ». A pied, c’est splendide, les rosiers rugueux ont des fruits mûrs, des « gratte-à-culs » gros comme de petites tomates, les argousiers sont pleins de baies orange. Mais cyclistes, choisissez l’itinéraire en deçà de la lagune et non cette piste entre mer et lagune, car nous malaxons le sable …
Rester car c’est beau, partir, découvrir plus loin, s’arrêter un peu pour flegmer, trouver de l’eau, aller en camping nous offrant quelques services utiles, comme la machine à laver ….notre vie est pleine de questions « existentielles », sans réponse correcte ou fausse mais juste le risque d’y consacrer trop de temps!
Question courses et gastronomie, nous apprécions les tomates danoises, serres ? actives ou passives ? en tout cas moins de légumes et fruits espagnols que chez nous, moins de fruits et de salades en général et, comme nous voyageons pour apprécier les différences et les spécificités de chaque endroit, nous optons pour la cure de poissons, sans la prétendre « bien sous tout rapport, écologiquement ». Nous nous régalons, et voyons les fumoirs, les structures de tri à l’arrivée des bateaux. Nous mangeons donc du poisson local, la plupart comme le maquereau et le hareng, de source sauvage, le saumon, lui étant de production en aquaculture. Au moins, c’est clairement dit quand nous nous intéressons à la question.
Nos hésitations nous mènent à Norre Vorupor, une station balnéaire aux nombreuses résidences de vacances dispersées dans les dunes, un parking où se regroupent les surfeurs, dormant dans van, bus ou voiture, aie ! Des sanitaires publics entretenus participent clairement à ce regroupement bohème, nous admirons la propreté de l’endroit, l’ordre, l’absence de bruit le soir. Nous sommes les vieux et les seuls sans surf ! Comme bien d’autres, nous allons admirer le coucher du soleil après notre souper, classique mais splendide, rigolote cette immersion dans une zone touristique tellement différente de ce que nous connaissons au sud. Beaucoup de glaces, dégustées en bon pull, des snacks, d’anciens bateaux de pêche rénovés grâce à un projet européen, un grand choix de poissons présentés frais encore dans les caisses remplies de glace ou déjà fumés, le fumoir jouxtant à nouveau le magasin.
Le lendemain, de fortes averses nous font apprécier notre Hanneton comme un palace, puis de magnifiques éclaircies même en ce jour le plus maussade depuis notre départ.
A la plage surnommée « cold Hawai », à Klitmoller, pas de vagues, mais du bon vent. Nous admirons le ballet des véliplanchistes dont les planches ont des dérives à foil et de surfeurs tenant une petite voile sans mât ni câbles, composée de 2 parties, leur donnant des allures de papillons volant sur l’eau. Leur position sur leur petit surf est celle d’un snowboardeur, les pieds ne changeant pas de côté suivant l’amure.
aBeau ballet mais nous décidons de changer de décor, cap sur l’île de Fur dans la lagune de Limfjorden.
Camping en terrasses avec vue, il se dégage de cette île un calme des plus sereins,…un peu farceur, son tour à vélo s’avère peu plat et passablement ensablé! Les plages de galets sont jonchées de coquillages, de coques de couteaux (coquillages allongés) et même de coques d’huîtres. Ce serait un des derniers endroits d’huîtres sauvages. Je vais me baigner le soir, le sable est argileux, nager rend l’eau opaque. Cette île a une géologie particulière, couches de sédiments et de diatomées bien visibles, son argile avait été exploité.
Nous nous rapprochons du week end et d’Hirtshals, et après quelques contacts, nous décidons d’aller passer le week end chez notre fils Joseph, à Bergen. Auparavant, nous marchons dans les dunes autour du phare de Rudbjerg Knude. L’érosion de la côte est impressionnante, il reste le cimetière, l’église a dû être détruite car elle était en mauvaise posture. Un touriste allemand me parle de maisons où il a passé ses vacances dans sa jeunesse qui sont à la mer, de splendides résidences à baie vitrée sont très près de la falaise de sable. Beaucoup de monde se promène dans cette dune, toboggan de sable fin marrant, présenté comme une curiosité naturelle. La luminosité du sable extrêmement fin, la météo splendide masque le côté dramatique de l’endroit et de cette érosion ; le réchauffement climatique augmente les tempêtes….Le phare est une telle attraction touristique, qu’il a été « sauvé » en étant déplacé de 80 mètres en 2019 malgré son poids de 700 tonnes, pour éviter qu’il ne s’effondre. Plus assez visible, trop entouré des dunes, il n’est plus en fonction.
Pour la nuit, nous sommes restés loin de la falaise …
Nous filons au nord et les plages deviennent de plus en plus idylliques, du joli sable, sans cailloux, eau claire, pas de vagues, un peu d’air rendant les 28 degrés agréables, arrêts baignades, notamment au nord de Lokken, en pensant chaque fois que ce sera le dernier de la saison. Bon, Pierre-Olivier ne demanderait pas mieux, il a la fausse impression que l’eau devient fraîche….20° selon le relevé quotidien publié.
A Hirtshals, port qui n’a pas plus d’âme que lors de nos derniers passages, nous confions notre Hanneton aux bons soins d’un parking d’hôtel rôdé à la démarche et à nous le buffet de poissons du ferry, la nuit à bord.
Le lendemain, vendredi, dîner avec Joseph sur un banc en ville pendant sa pause de midi, lunettes de soleil requises, cela mérite d’être souligné à Bergen ! Excellente soirée chez lui, Il nous héberge, c’est aussi sympathique que petit, la vue est splendide le lendemain matin, encore du soleil.
Samedi, grimpette à Ulriken, quelque 1300 marches d’escaliers, (leur descente l’après-midi demandera plus de patience à mes coéquipiers), quelques nuages, puis à nouveau du soleil avant de repasser une seconde soirée ensemble. Le lendemain dimanche, nous reprenons le ferry en milieu de journée et le laissons préparer sa semaine de travail sur le terrain.
Bergen avec le sommet d’Ulriken à droite, vers l’antenne
Découvrir, rencontrer, partager : Caminante, no hay camino, se hace camino al andar (marcheur, il n'y a pas de chamin, le chemin se fait en marchant).