Chemin de Saint Jacques de Compostelle: de Puy-en-Velay à Aubrac , 22-28 avril 2023

La cathédrale du Puy-en-Velay a été agrandie au 12ième s. alors qu’elle était construite sur la pente d’un ancien cône de lave. Les architectes du 12ième s. ont eu l’audace de l’agrandir en sur-plomb, tenant sur des piliers. Les maisons adjacentes masquent ce profil, mais l’imposant escalier menant de la vieille ville à la cathédrale y donne accès en arrivant par une sorte de grande trappe. Il n’y a aucune porte à l’emplacement habituel de l’entrée, elle donnerait dans le vide. Le samedi 22, jour de notre départ, cette porte-trappe était ouverte,  sortie réservée aux pèlerins, gardée souvent fermée à cause du froid qu’elle amène (et tous ces moines, pèlerins etc…. vivaient déjà bien au frais !) Nous quittons donc la cathédrale de façon très conforme, mais faisons un crochet au marché pour nous approvisionner en fromages et, disons, là, au revoir à ma cousine.

Vite un peu en hauteur, nous admirons les vastes étendues du plateau basaltique. Un peu de bétail, des champs de céréales et de lentilles, spécialité de la région, un sol bien caillouteux, nous progressons sur de beaux chemins bordés de murets en pierre sèche et de prunelliers en fleurs. Bien blancs, ravissants, il paraît que leurs petites prunes vertes ne sont bonnes qu’à produire de l’alcool.

Le paysage est vaste, sans avoir du soleil, nous avons au moins la visibilité et marchons au sec jusqu’à notre gîte. L’ambiance sur le chemin et à l’étape est complètement différente depuis le Puy-en-Velay. Au lieu de voir 2 pèlerins, nous en voyons plus d’une dizaine, au lieu de manger seuls avec nos hébergeurs, nous soupons une vingtaine autour de la table. A chacun son chemin avait été la devise donnée à l’apéro d’accueil des Pèlerins la veille, à la cathédrale du Puy en Velay. Autour de la table à Montbonnet, des Coréens assez perdus pour réserver leurs gîtes suivants se faisant immédiatement aidés, une dame reprenant la marche par petites étapes après quelques dizaines d’années, un magnétiseur refaisant le chemin car il a trouvé la Foi à St-Jacques et aimerait mieux comprendre ce qui lui arrive, des jeunes mamans parties entre copines plus bavardes les unes que les autres, un couple de Hollandais très sympathiques et positifs ayant l’habitude des longues randonnées, très calmes … une aubaine, nous partageons la même chambre.

Le lendemain matin, les dômes des anciens volcans et les grands plateaux sont bien visibles, la grande fenêtre du gîte est un endroit idéal,… sauf pour le chauffage…. on doit être devenus douillets.

Nous continuons par ces jolis chemins sur les Monts du Devès  pour finalement descendre vers l’Allier par un sentier de forêts, par chance assez sec. Bien des églises romanes jalonneront notre chemin, comme celle de Saint-Privat d’Allier.

Une vue panoramique de la chapelle de Rochegude et encore une descente terreuse jusqu’à Monistrol d’Allier, vraiment au fonds d’une vallée encaissée. Même ambiance chaleureuse au gîte tenu par une infirmière reconvertie s’étant occupée de ma maman, à Ecublens, et une bonne grimpette au-dessus de l’Allier pour retrouver les grandes étendues. Nous quittons les dômes basaltiques pour entrer sur le plateau granitique.

Sur le chemin, un homme de la région nous vend une sorte de pavé de fruits secs agglomérés, c’est délicieux. Il est dans une position très stratégique, juste en-haut de la côte et fait déguster; le chemin à de tout temps été un important lieu de commerce !

Les forêts sont tantôt des feuillus, n’ayant encore aucun bourgeon, tantôt de l’épicéa planté comme toujours pour sa croissance rapide, des sapins et toutes sortes de pins. Nous admirons toujours sans nous lasser les haies bien fleuries et le paysage ouvert de plateau de la Margeride. Nous progressons bien sur cette bonne étape, 24 km et bien 800m. de dénivellé positif nous menant à Villeret d’Apchier. Le soir, ambiance animée, pas vraiment calme et zen, chacun est sur son téléphone pour trouver les hébergements suivants. Plus de fréquentations que l’année dernière à même époque, un engouement post covid important, difficile de respecter l’esprit du chemin qui serait de vivre et s’organiser jour après jour. Nous observons et profitons toujours de beaucoup d’entraide pour se montrer les différentes applications et se prêter le guide. Nous n’avons rien comme papier, ni guide, ni carte, pour éviter de s’alourdir, la référence est le « Miam-miam Dodo », expression latine utilisée par les moines. Après cette soirée bien administrative, nous serons plus relax, ayant nos logements pour une semaine.

Mardi 25, nous continuons à traverser  la Margeride, les prairies sont de plus en plus riches en tapis de jonquilles, nous nous sentons parfaitement bien en pleine nature.

Nous faisons halte au lieu dit « Le Sauvage » vers une énorme bâtisse en grosses pierres, qui nous paraît être au milieu de nulle part mais qui était au carrefour de chemins de commerce au Moyen-âge et comme beaucoup d’églises aussi, un hospice pour les pélerins, les voyageurs, les indigents.

Ces plateaux ont un climat rude, venté, les distances sont immenses, nous imaginons dans quel état de santé certains devaient être recueillis. Actuellement, le site est une auberge-gîte, un site de promotion d’une gestion durable de la forêt et bénéficie de son étang d’épuration.

Le lendemain, nous marchons avec de nouveaux amis, nos étapes sont très raisonnables, une vingtaine de kilomètres, peu de dénivellé, alors nous profitons de faire des pauses au soleil, d’avancer sans se presser.

A Lasbros, nous dormons chez « Marie-en- Aubrac » , un gîte en pierres, très traditionnel, chaleureux,  le bœuf en d’aube un vrai régal, une authenticité remarquable. Évidemment que la gérante connaît la région et a fait le chemin jusqu’à St-Jacques.

Le lendemain, changement de décors, progressivement quelques bois mais plus de forêts, les vastes étendues caillouteuses sont nues.

C’est l’Aubrac !

Une nuit à Nasbinals, nous logeons dans une bâtisse du 19ième s, internat pour garçons (évidemment rien pour les filles) abritant encore quelques classes. Longs couloirs gris, escaliers imposants, un vrai décor de film. L’accueil est assuré par des hospitaliers, bénévoles ayant fait le chemin et nous avons notre chambrette au grenier. Une première ce 27 avril, nous sortons dans le très joli bourg pour souper au restaurant; à l’exception de notre soirée en Mobil-home tout au début de notre périple, c’est la première fois. Il fait beau, on s’est vu en chemin, on se salue, tout le monde mange l’aligot, une purée de pommes de terre mélangée à du fromage frais de vache, accompagnant ou de la saucisse ou du bœuf d’Aubrac. « Radio Camino » parle des deux filles cheminant chacune seule en bivouac qui pêchent parfois, de la famille aux quatre enfants accompagnés de l’âne « Pivoine », du jeune de 17 ans, et même d’une moustache…

Le lendemain, les Mont-s d’Aubrac (1324m.d’alt.), vallonnés, superbes, au son des oiseaux, avec du soleil, la nature immense nous enveloppe. Aucun bétail ou presque, les vaches sortiront des étables vers la fin mai, les nuits sont froides. C’est avec un peu de regret que nous commençons la descente, pour se rapprocher de la vallée du Lot.