Norvège à ski: aventures à Voss, 2-7 avril 2024

Retour à Oslo, température douce, et ambiance presque printanière nous y attendent. Le lendemain, départ avec notre sac à skis complet et la valise pour l’ouest par le train traversant les « montagnes » ou plutôt le haut plateau, notamment à Finse, que nous avions beaucoup aimé en été.

A Voss, nous prenons possession de notre appartement AirBnB et notre flls Joseph arrive rapidement. Soleil et prévisions mauvaises pour les jours suivants, donc départ immédiat pour une randonnée à skis de 17h à 20h. Je n’ai que très peu skié tous ces derniers hivers pour différentes raisons de santé, ne suis pas du tout à même de faire une vraie randonnée à peaux de phoque; accepter c’est m’épargner le temps de me poser des questions et retrouver Joseph dans son élément. Mais quel départ !

Plus haut, les pins et les bouleaux s’espacent et nous avons la vue sur les montagnes avec une magnifique lumière de fin d’après-midi. Nous sommes au nord, les jours et les ombres s’allongent, splendide ! Mes deux hommes vont jusqu’à un sommet, le Horn à 1103 mètres d’altitude, accélérant le rythme pour ne pas être pris par le « regel » et la nuit.  La descente est agréable tant que nous sommes au-dessus de la forêt; puis tout se complique ! Je finis à pied, en m’enfonçant plus ou moins, choyée par notre guide qui zigzague entre pins et ruisseaux en snowboard, mes skis à la main. La vue, la lumière étaient parfaites pour découvrir le ski à la norvégienne.

Suivent deux jours de temps gris, parfois ventés. Nous visitons le « Folks Museum » constitué par un ensemble de fermes intactes, et une exposition sur l’histoire et les traditions de Voss.

Costumes pour un mariage
Chopes de bière

Station de sport été comme hiver, berceau de médaillés olympiques, son développement est entièrement lié à la construction de la voie ferrée, amenant les premiers touristes venant pêcher le saumon, l’armée et sa base de parachutistes puis les skieurs lors de la construction du téléphérique. Nous sommes sur les hauts de Voss, il vente fort par un froid humide et le chauffage du bâtiment d’exposition est à l’arrêt pour des travaux. Transis, après la visite, nous rentrons et ne prendrons pas le téléphérique.

Vendredi, randonnée à skis, l’objectif pour le départ est la fin d’une petite route forestière à 415 m. d’altitude, au-dessus du fjord d’Hardanger, ce qui signifie déjà une montée raide à partir d’Ulvik (au bord du fjord donc à 0 mètre d’alt.). De plus en plus pentue, la route devient enneigée ou plutôt glacée. La voiture 4×4 patine à sa guise, s’arrête puis glisse à reculons assez rapidement, se met en travers pour glisser latéralement en touchant de temps à autre les petits murs de neige de chaque côté. Nous nous arrêtons vers une petite place de parking sans dégâts ou presque, à 350 m. d’altitude, et maintenant ? Nous repartons sur la même route, pour notre point de départ, à skis « peautés » et avec les crampons pour moi qui n’aime pas la glace, puis trouvons l’itinéraire grimpant entre les arbres.

Nous progressons en nous tortillant entre souches, troncs, ruisseaux et vieilles traces gelées pour rapidement gagner plus d’espace. Le ciel devient bleu, la neige s’améliore et la vue sur les montagnes tout autour de nous s’ouvre, très lumineuse. Nous voyons par moment le Midtjfellet, montagne qui est notre objectif, point culminant d’une longue et large crête en pente douce, l’autre face plongeant en falaise jusqu’au fjord. Les pentes sont peu raides, mais toujours bien assez pour moi, nous sommes dans un paysage ouvert, blanc, quelques grosses congères; une sorte de plateau où l’itinéraire que Joseph nous trace passe entre des mamelons. L’ensemble du paysage devient grandiose, peu de sommets nous dominent; d’autres chaînes de montagnes au loin sont visibles sur 360 degrés.

Je progresse très lentement, toujours avec mes couteaux, nous montons face à la pente, mais le sommet n’est plus visible et n’en finit pas d’être à 300, 150…50 mètres de dénivellation. Nous arrivons au cairn du Midtjfellet, la vue… un choc, incroyable, d’un coup à quelque trois mètres du cairn. Nous voyons les bras du fjord 1256 mètres plus bas sur trois côtés, juste en-dessous de nous, le 4ième étant celui par lequel nous sommes arrivés.

Le cairn, un plateau de quelques mètres, des cailloux dépassant éliminant la peur d’enfreindre la limite avec une corniche, me permettent d’admirer la vue très sereinement. Course des plus faciles pour les habitués de la peau de phoque, moi je suis très émue et ai un immense plaisir à me trouver là.

Subitement, le ciel n’est plus si bleu, le temps de se préparer et c’est le jour blanc total pour la descente. Nous ne voyons vraiment rien, vagues de neige soufflée et durcie, congères, plus aucune notion de la pente au point de complètement nous déséquilibrer à l’arrêt. Au départ, nous arrivions encore à admirer les bras de fjords, et à skier avec vue sur la mer, le mythe norvégien! La visibilité s’améliore en rejoignant les arbres mais la neige est totalement dure, parcourue de vieilles traces. Je ne prends aucun risque, je termine à pieds et même en crampons sur la route qui n’a que partiellement dégelé.

J’ai vraiment vécu une journée exceptionnelle, avec les montagnes rondes aux formes de soucoupes volantes, les nombreuses autres chaînes au-delà du fjord, la vue au sommet absolument fantastique, et le sentiment quand même que les conditions ne seront pas forcément souvent réunies pour réitérer une telle expérience. A pied d’œuvre avant 10h, nous serons de retour à la voiture avant 17h., un record de lenteur pour un dénivellé d’un bon 900 m., mais qu’importe, nous en avons plein les yeux, et avons redoublé de prudence dans la ouate puis dans les traces gelées. Ici, c’est le plaisir de s’immerger dans la nature grâce à nos skis, et non de dompter la nature pour améliorer nos descentes.

Le samedi, par un temps gris, nous tentons de la visite en voiture, nous rendant aux cascades de Voringfossen, mais la visite du site est totalement limitée par la neige. Le soleil du matin fait place à un temps maussade, l’apéro et le souper s’imposent comme le meilleur plan.

Le Midtjfellet vu du fjord, sommet au-dessus de la falaise

Nous avons pu skier à peaux de phoque deux fois et prendre du temps ensemble, un bon séjour au vu de la météo peu généreuse en soleil.

L’opéra d’Oslo vu depuis le 13ème étage du musée Munch.

Retour à Oslo le dimanche, et nous filons soigner notre culture générale au musée Munch. Le bâtiment et la vue sont superbes. Munch est un artiste torturé dont certains tableaux nous ont interpellés. Puis départ en ferry pour Kiel le lundi; après nos neiges et nos chemins de toutes sortes, souper feutré avec vue sur la mer et pianiste; Tina Turner, ABBA, rock et twist en fin de soirée, changement de tableaux, charme du voyage, et toujours les regards sur nos chaussons cabane ! Notre séjour se terminera mercredi soir si aucun transport n’a de retard, sinon jeudi, la montée à notre alpage en transports publics ne pouvant pas être tardive.

Nos attentes en termes de ski et de neige auront été comblées, malgré une météo mitigée. Le calme, l’atmosphère de ce pays permet un retour profond à la nature, et nous rentrons de vacances gastronomiques, un imprévu !

Norvège à ski de fond: une semaine à Bessheim, 26 mars – 1er avril 2024

A Otta  c’est le papa de l’hôtelière de Bessheim qui nous attend à notre descente de bus. 70 km nous attendent, assez pour nous donner quelques explications et nous présenter la famille. L’hôtel est un ancien alpage (« summer farm ») de la famille. Vers 1900, quand la Norvège était un des pays les plus pauvres d’Europe, le bétail était monté à l’alpage en été comme partout. Mais en plus, les bêtes remontaient à la ferme toujours appelée « summer farm » pour l’hiver. Durant la belle saison, des mousses, des feuilles et autres végétaux étaient ramassés et dans cette région où les alpages étaient très éloignés, il était plus facile de remonter le bétail à la fin de l’automne que de descendre ces nourritures récoltées. Les « summer farm » étaient finalement plus grandes que les fermes principales de plaine. Au milieu du 20ième s., certains de ces alpages  ont commencé à avoir une partie hôtelière. Les transhumances ont cessé par le développement de grandes halles de stabulation libre pour les vaches laitières et seules les vaches allaitantes, et les bêtes destinées à la production de viande continuent de transhumer. Nous n’avons toutefois vu aucune de ces grandes étables dont notre chauffeur nous parle. Il est avocat, âgé de 75 ans, et donne des coups de main à sa fille. Cet hôtel familial a été développé par son arrière grand-mère et a été tenu surtout par des femmes. Il se présente comme le maillon manquant, son père ayant transmis l’hôtel à sa fille. Il habite dans la ferme de plaine, ou un autre beau-fils gère l’activité agricole, l’orge étant la seule céréale cultivable dans cet environnement où la belle saison est courte. Forts de toutes ces explications, nous arrivons à cette ferme devenue hôtel : un bâtiment rectangulaire auquel nous n’aurions jamais attribué un passé fermier !

Au cours des jours suivants, nous réalisons progressivement que cet établissement est connu pour sa gastronomie mettant en valeur les produits locaux, des habitués y viennent d’année en année. L’hôtel a été complété par des « cabines », chalets  de vacances pour familles ou groupes, dont les résidents viennent manger le soir à l’hôtel.

Pâques approche, le lundi soir, nous sommes quelques dizaines à déguster un pot au feu de renne délicieux. Le mardi soir, les chalets se sont remplis, un buffet est mis en place; le chef de cuisine en personne découpe filets et gigots de renne, pièces d’élan, agneaux de la ferme; tout est parfait, une cuisine maison, du beurre aux herbes, au pain croustillant, les compotes et confitures de rhubarbe, de myrtilles et d’airelles sont délicieuses.

Ce chef de cuisine à la stature imposante n’est autre que l’époux de l’hôtelière, elle aussi très présente et toujours souriante. Nous sommes les seuls étrangers, aux petits soins pour une semaine. Mais nous, nous sommes venus ici parce que c’est la porte d’entrée du parc du Jotunheimen, donc dans l’idée d’une semaine sportive aussi !

Le mardi matin, soleil, nous partons à ski de fond, traversons le lac et skions dans les contreforts des premières montagnes. La vue sur les sommets aux alentours est splendide, mais cela grimpe vite et nous affrontons une petite descente un peu raide pour nous. Nous croisons d’autres skieurs, presque tous à peaux de phoque. Ils peinent au plat, nous peinons à la descente. Ici la nature est intacte, à chacun de s’adapter pour en profiter.

Dans un camping, les enfants ont amélioré un tertre pour s’exercer. La nature est grandiose et c’est avec joie que j’ai l’impression de m’y plonger sans la modifier. Difficile ou impossible d’avoir l’équipement adéquat en tout temps: sur les plateaux, nos skis courts et compacts ne glissaient pas comme des skis plus longs et fins, dans la forêt, ils étaient plus maniables mais des arêtes auraient été bienvenues et là, nous sommes dans un magnifique environnement de montagnes, sans aucune infrastructure, un univers offrant apparemment des sorties à peaux de phoque sans danger pour gagner les premiers plateaux vers 1300m. Nos skis de randonnée sont à Oslo, pourquoi ne pas rêver de revenir un autre hiver ?

Le lendemain, il neige, le long du lac nous ne rencontrons que deux skieuses. Le jeudi, nous gagnons un autre lac, deux bateaux y sont carrénés, posés sur la glace, nous pouvons pique-niquer dans un hôtel, avant de revenir pour le tour de notre lac.

Malheureusement, un coup de chaud arrive et vendredi la neige est molle. Mais le soleil du matin nous permet de découvrir les sorties familiales, bébé dans la pulka, couverture et même peau de renne pour s’installer pique-niquer dans la neige au soleil. Nous rejoignons un petit rocher pour nous installer sur nos plastiques à bulles et prendre le soleil. Les traces ramollies nous guident moins lors des descentes, de plus beaucoup de familles ont des chiens qui montrent beaucoup d’enthousiasme dans la neige mais n’améliorent pas les traces; nous nous offrons donc quelques belles sorties de piste, filant tout droit au lieu de suivre les courbes. Le ski est plus ludique et sportif qu’à Gålå, aux multiples possibilités bien tracées.

Samedi, heureux du soleil nous partons de bon matin sur le lac; faux départ, les traces profondes et molles de la veille ont gelé. Nous rebroussons chemin et petite surprise:  deux rennes bien accompagnés sont là, l’un tirant un traîneau destiné aux enfants pour un tout petit parcours, l’autre juste là pour être caressé, un vieux mâle venant d’avoir perdu ses bois, au tempérament exceptionnellement calme d’où sa longue vie comme renne « domestique ». 

Son « maître » travaille pour l’entreprise possédant les quelque 2300 rennes de la région et nous désigne les pâturages d’été, en amont sur les montagnes, et ceux d’hiver, en aval. Son travail est de les garder sur les terres louées qui leur sont destinés. Le cheptel atteint presque 4000 têtes avec la naissance des veaux. Les femelles sont gardées environ 10 ans et les mâles une année et demi, c’est-à-dire une saison de reproduction. L’abattage des quelque 1500 bêtes fournit 50000 kilos de viande annuellement. Notre chef cuisinier nous avait bien précisé que la viande de renne que nous mangeons ne venait pas de loin, comme les myrtilles et les truites saumonnées, apprêtées de bien des façons pour le souper de fête du samedi soir. Mais avant, d’autres petites surprises pour ce samedi de Pâques : une piste avec tremplins aménagée pour les enfants et un barbecue de saucisses dehors sur la terrasse, que nous dégustons assis bien au chaud sur des peaux de rennes.

Repas du samedi soir, l’hôtelière et sa nièce en costume, tout le monde est servi en même temps, repas plus cérémonial et convivial aussi. Le dimanche par contre, rien de spécial n’est organisé. Un client se lève pour remercier toute l’équipe et dire que c’est son 40ième Pâques chez eux.

Le soir un orchestre de 4 musiciennes et un musicien, trois accordéons très différents, une contrebasse et une chanteuse s’accompagnant à la guitare joue largement jusqu’au matin du folklore d’alpage un peu et surtout du folk américain, Johnny Cash par exemple. Quelques excellents danseurs parmi ces skieurs, le public répond, plus l’heure avance, plus de jeunes s’occupant du service rejoignent le public. La chanteuse a une magnifique voix, l’ambiance est excellente mais danser le twist en chaussons cabane sur un parquet glissant n’est pas aisé. La chanteuse nous offre évidemment un peu de Jodel.

Le lendemain, il neige à gros flocons, le vrai hiver est-il de retour ?

Non, le soleil revient et nous voilà repartis glisser jusqu’aux belles lumières de fin d’après-midi.

Pour notre retour à Otta, Kari, la patronne elle-même nous amène, l’occasion de discussions intéressantes et de renforcer ce sentiment d’avoir été chaleureusement reçu. En automne, son mari achète les rennes, abattus sur place dans un camion, après avoir été rassemblés; ces bêtes ne reçoivent absolument aucun antibiotique ni supplément alimentaire. Les chevreuils et les élans sont chassés. Les viandes sont donc préparées et conservées  par leur soins. Le prédateur principal des veaux de rennes et des agneaux est l’aigle. Le loup est tiré, pas toléré dans cette région; par contre il est protégé le long de la frontière suédoise, zone de protection de la faune; cette politique pose de sérieux problèmes aux Samis, qui sont justement dans des régions à la frontière et voient leurs troupeaux décimés. Kari me parle aussi de son plaisir de travailler avec les jeunes de la région, qui reviennent année après année assurer le service pendant la haute saison d’été et de Pâques et deviennent très compétents, bien que ce ne soit souvent qu’un travail accessoire d’étudiant. Ils sont logés sur place, et c’est aussi leur première expérience de vie en groupe loin de la maison. Bessheim est à 55 kilomètres de la première école, 40 kilomètres de la prochaine localité, mais superbement bien situé pour le ski: ski de fonds de février à Pâques, puis en 15 minutes de voiture la possibilité de se rendre à 1400m. et de rejoindre un plateau pour le ski de fond et le « kite ski » (ski avec un cerf-volant) ainsi que le départ de courses à peaux de phoque jusqu’aux sommets à plus de 2000m., et ceci jusqu’en mai. La région étant très sèche pour la Norvège, pas ou peu de neige à Noël et en janvier et…. des maisons bien conservées et protégées dont quelques-unes ont 400 ans. Nombre d’anciens grands hôtels des années 1960 comportent beaucoup de grandes salles, ce que nous avions constaté, et ne sont pas forcément bien isolés, l’électricité ne coûtant pas grand chose jusqu’à récemment. Le tourisme évolue, les familles préfèrent les petits chalets, et le prix de l’énergie augmente. A Bessheim, son grand-père avait installé sa propre production d’électricité hydraulique.

Départ pour Oslo, jour le plus ensoleillé, sympathique au revoir, car nous reviendrons.