Chemin de Saint Jacques de Compostelle: de Saint-Chély-d’Aubrac à Figeac, 28 avril-5 mai 2023

Chemin faisant, nous goûtons de délicieux farçous, omelettes aux feuilles de blettes et oignons, sur une petite terrasse en pleine nature.

La descente continue pour arriver à St-Côme-d’Olt connu pour son clocher flammé, c’est-à-dire volontairement vrillé, afin de diminuer l’impact du vent.

Nous flanons dans ce petit bourg médiéval, mais de bonnes montées sont au menu de l’après midi, jamais longues, mais raides, le chemin passe par un point de vue (avec statue de la Vierge) dominant Espalion. Pour nous, une étape à l’hôtel de France, vraiment régénératrice. Dormir dans de vrais draps, chambre climatisée donc absolument calme, ce petit hôtel surpasse nos attentes, avec en sus la découverte du  vin de Marcillac, où nous passerons d’ici quelques jours.

Le lendemain, pause de midi à Estaing, un village médiéval connu, se retrouver au milieu de touristes non pèlerins est nouveau pour nous, par chance ils sont très peu nombreux.

C’est aussi notre première traversée du Lot, nous retrouverons cette rivière à maintes reprises, et aurons de belles montées et descentes entre chaque passage, alors je rêve d’être un canard, ou je me demande si le bourdon (bâton du pélerin) ne pourrait pas servir de pagaie pour diriger un radeau…

La végétation évolue, les chênes et les noyers sont nombreux. En ayant perdu de l’altitude tout en allant vers le sud ouest, les fleurs, la verdure des arbres, les jardins nous projettent en avant de plusieurs semaines.

Le prochain gîte est formidable, maison de pierres avec une vue sur les prairies et vallons infinie, une cuisine du terroir, des lentilles, un gâteau de St-Jacques pour encourager ceux qui s’y rendent et pour que les autres l’aient goûté, des conseils, explications pour l’étape du lendemain, de petites chambres à deux… Tout ceci tenu par un pince-sans-rire bourru au premier abord, mais plein d’humour  venant du Chablais. Les caquelons à fondue sont bien exposés, la confiture est aux abricots du Valais; sous une allure de baba-cool, Léo est d’une efficacité et d’un professionnalisme exemplaire (gîte de Fonteille).

Le 1er mai, nous arrivons assez tôt à Conques, une halte absolument superbe.

L’abbatiale romane de petite surface a une hauteur de plus de 40m. à l’intérieur, et qui lui donne une impression de grandeur incroyable. Le village est niché dans une vallée boisée raide, les moines désiraient s’isoler de la civilisation. Après la bénédiction des pélerins, la présentation du tympan, la sculpture au-dessus de la porte d’entrée, par un des moines est connue sur radio Camino, tant ce moine est un acteur hors pair, ayant de l’humour. Pour moi, il représente la personne qui pourrait intéresser n’importe quelle classe à tout sujet. Le tympan, séparation entre l’extérieur et l’intérieur comme celui de notre oreille, représente le jugement dernier; à gauche le paradis, à droite l’enfer; entre les deux une balance qu’un malin essaie de biaiser du côté dantesque. Nous n’aurions jamais vu l’avare dévoré par un serpent alors qu’il tient sa bourse, le roi trop imbu de sa personne humilié par une femme, l’ordre pacifique du paradis et tant d’autres détails sans ses explications et ses mimes des postures sculptées.

Le public, essentiellement des pélerins, aurait pu l’écouter des heures sur le parvis, l’orateur était tout autant frustré de ne pas nous en dire plus, mais un autre moment magique nous attendait à l’intérieur de l’abbatiale: deux femmes s’accompagnant  parfois du violon et du violoncelle chantent en béarnais, une langue occitane. Sans micro, leurs voix résonnent entre ces vieux murs de façon parfaite, franchement merveilleux.

La soirée continue par l’illumination en couleurs du tympan, détail après détail, couleurs très vives comme l’étaient également les couleurs d’origine (plus ternes en enfer qu’au paradis). 

La soirée avait déjà bien commencé car le restaurant de notre auberge de St Jacques était vraiment gastronomique. Le charme des vieilles poutres et la salle de bains mansardée de notre chambre sont une source de risques nécessitant une bonne gymnastique vu que nous ne sommes pas des lilliputiens, mais la vue sur le clocher l’emportent largement sur ces inconvénients. Le lendemain matin, nous visitons l’étage de l’abbatiale avec des explications sur les vitraux de Soulages, controversés, ayant remplacé les vitraux classiques colorés. Modernes, constitués de lignes noires sur fonds blanc, taillés dans des morceaux de verre compressés pour changer de nuances de blanc selon la lumière sans aucun reflet sur la pierre, leur but est de mettre en évidence la beauté de la pierre, d’éclairer l’église sans y ajouter de couleur, et de ressembler aux parchemins fermant les fenêtres avant l’époque des vitraux. En tout cas, cette abbatiale est lumineuse et le regard est porté sur  les pierres des murs et non sur les vitraux.

Par monts et par vaux, de forêts en prairies, de montées et descentes boueuses un peu glissantes, notre Camino, facteur économique essentiel pour la région, nous amène à Decazeville pour une halte de midi par beau soleil, bien différente: ville minière d’extraction du charbon jusqu’en 2001, créée de toutes pièces vers 1800, dont la statue  rend hommage au patron de la sidérurgie de l’Aveyron et où une usine à encore fermé récemment….. Maisons en décrépitude le long d’un axe routier, mais aussi ville ayant abrité un festival de Street Arts donc riche en fresques murales, échoppes tenues par des jeunes, immense hall qui était le laminoir des usines produisant l’acier transformé en hall de patinage, skate, roller. On y sent un vent propice à l’innovation. Le Chemin y passe, détourné pour offrir de quoi dormir et se restaurer aux passants, autre tentative pour relancer un aspect économique. Nous prenons bien du temps, il fait chaud, les commerçants sont très accueillants, mais un coup de chaleur gratifie les grimpettes de l’après-midi, nous arrivons bien fatigués à l’étape.

Arrivée à Figeac

Qu’importe, la prochaine sera courte, 20 km avalés le matin, nous menant à Figeac, bourg médiéval que nous apprécierons bien de visiter aussi le lendemain.

La réservation des hébergements futurs prend aussi du temps, vu que beaucoup sont complets mais nous arrivons pour le  moment à nous organiser systématiquement des étapes de 20 à 26 km. 

En se promenant, Pierre-Olivier s’enfile sans crier gare chez une coiffeuse, l’heure de la tonte a sonné ! Grâce à ce coup de tête, nous passons de bons moments sympas chez cette jeune maman venant d’ouvrir, les amis de Figeac passent lui dire bonjour,  du coup je passe aussi sur le fauteuil et nous allons souper au restaurant adjacent, chez ses beaux-parents. C’est tellement joli et sympa, et notre hébergeuse n’étant pas venue faire le souper comme prévu, que nous y retournons le lendemain. Nous sommes reçus comme des amis, des vieux clients, pourtant le personnel est débordé: c’est la fête annuelle, les Figeacois sont de sortie, manèges et musique dans la vieille ville. Quelques pélerins arrivent tard, surpris par l’ambiance, arborant les mêmes souliers que nous qui avons fait le choix de n’avoir que ceux de marche, même pour sortir ou aller chez la coiffeuse !

Montagne d’asperges

Après une soirée sympathique en compagnie de chansonniers francophones, nous rentrons dans notre « loge de concierge », un studio au rez donnant sur la rue passante, dont la porte et la porte-fenêtre se ferment à double tour, pour un peu d’air, vous repasserez !

Marcher sur le chemin, c’est simple, changer d’hébergement en ne sachant jamais à quoi s’attendre, c’est plus compliqué ! Nous sommes vraiment contents d’avoir pris le temps de parcourir la vieille ville moyenâgeuse (circuit découverte indiqué par l’office du tourisme) en restant deux nuits à Figeac. Les rues abritent de nombreux hôtels particuliers de marchands, aux façades sculptées témoignant de leur richesse, et des maisons d’artisans à encorbellement en bois.