Chemin de Saint Jacques de Compostelle: de Figeac à Cahors, 6- 10 mai 2023

Après un bon mois en route, nous n’utilisons aucun pansement, n’avons aucune courbature, juste chacun l’un ou l’autre petit point faible se manifestant épisodiquement le soir, vite oublié une fois en route. Et le matériel ? Rien en trop, si ce n’est le costume de bain, jusqu’à maintenant. Nos chaussons de tissu comme seconde paire de chaussures sont un inconvénient dans les rares gîtes où les sacs et souliers doivent être laissés dans un local nécessitant de passer par l’extérieur pour rejoindre les dortoirs. Par contre, le matériel s’use et le ruban autocollant très solide embarqué en cas d’éventuel accroc à un sac à dos s’avère bien utile pour réparer nos pantalons.

Réparation nécessaire des pantalons qui se déchirent

Après plusieurs colmatages de la dernière chance, ceux de Pierre-Olivier finiront quand même à la poubelle, et mes deux paires sont l’une complètement distendue et l’autre raccomodée à la bande autocollante. Le vieux dicton de nos mères disant que les tissus ont besoin de temps de repos pour durer semble bien correct.

Donc en pleine forme, nous optons pour la vallée du Célé parmi les trois itinéraires possibles (autres: Rocamadour, Gr 65).

Nous démarrons le long de champs et de passages en forêts par une journée devenant de plus en plus chaude. Avant Espagnac, la forêt est sombre, beaucoup de grosses branches sont recouvertes de mousse et nous avons vraiment l’impression de traverser une forêt terrifiante, tirée des contes de fée. Nous apprendrons plus tard que ces branches mortes sont celles de buis, dévasté en 2018 par la pyrale du buis, dont les chenilles,  mangent toutes les feuilles. A cela s’ajoute une longue couleuvre de plus d’un mètre vue sur le bord de ce chemin humide surplombant le Célé. 

A Espagnac, nous pique-niquons dans le jardin du prieuré et commençons à voir les falaises de calcaire typiques, bordant les méandres du Célé.

Nous arrivons à notre camping au bord de la rivière dans l’après-midi et sortons le costume de bain ! L’eau est terreuse, pas de baignade mais il fait une chaleur estivale; suivront des pluies diluviennes le soir et de bons coups de vent. Juste rentrés dans notre petit mobil-home, ceci nous rappelle quelques souvenirs de camping. Le chemin (Gr 651) passait au-dessus des forêts raides surplombant le Célé, en-bas des falaises. Nous devions rejoindre ce parcours panoramique par un sentier raide entretenu par les gérants du camping.

Malheureusement, le lendemain, le sentier est déconseillé suite à l’orage. Toutefois, deux kilomètres plus loin, nous retrouvons le GR651. Le programme des prochains jours est de monter au-dessus des falaises sur le Causse (plateau calcaire) et de redescendre entre deux falaise au prochain village et ainsi de suite. Les dénivellés ne sont toutefois pas élevés, les chemins sont bien caillouteux, souvent bordés de buis et d’une variété d’autres arbustes. Le Causse est vert, prairies et haies, buis, chênes verts, forêts denses, une sorte de maquis impénétrable.  Le paysage est vaste, la météo agréable, l’air au fonds de la vallée est par contre très moite. Ce deuxième jour, notre marche est ralentie par une véritable invasion de chenilles suspendues par leur fil aux  branches de chênes verts. Totalement inoffensives, nous n’aimons quand même pas les avoir sur nous, nos habits. Nous nous nettoyons mutuellement très souvent et devenons de plus en plus habiles pour les repérer et progresser en cassant les fils avec nos bâtons.

Observées par les randonneurs que depuis quelques jours, nouveauté pour notre hébergeuse bien de la région, il s’agirait selon mes recherches de la tordeuse verte du chêne, défoliant les chênes verts. En tout cas, il ne s’agit pas de la pyrale du chêne, chenille descendant le long des troncs et urticante. Nos petites chenilles vertes sont inoffensives pour l’humain, testé pour vous par les pèlerins !

Balayage anti chenilles

Nous descendons à Marcilhac-en-Célé, joli village sans aucune vigne et apprenons que le vin apprécié venait d’un autre village proche: Marcillac ! Le temps d’une grosse averse nous fait découvrir un café associatif, principalement anglophone, le chemin est parcouru d’initiatives sympathiques. Nous remontons évidemment immédiatement à la sortie du village sur le Causse pour redescendre à Sauliac. Le gîte est une maison récente croisée avec une cabane, les deux dortoirs de l’étage donnant sur une pièce centrale fermée du côté vallée que par du plastique transparent. 

La vue est plongeante sur la vallée et les falaises de l’autre rive. Hébergeuse ayant fait le chemin, construction insolite, voyages en Asie pendant la fermeture hivernale, dans ce pays vert et humide, les toilettes sèches présentées comme un engagement écologique me laissent un peu songeuse. Les modes m’apparaissent plus puissantes pour promouvoir les innovations que les études d’impact objectives.

Le lendemain, en chemin, nous visitons les grottes de Pech Merle où nous admirons des peintures rupestres datant certaines de plus de 25000 ans. Mammouths, chevaux, bisons et un ours sont peints avec du charbon de bois et des oxydes de manganèse et de baryum pour le noir et des oxydes de fer pour le rouge en jouant aussi avec le relief de la roche.  Des mains sont peintes avec la technique du pochoir, des empreintes de pas sont bien visibles. Un éboulement a fermé l’accès à toutes les salles, il y a plus de 12000 ans, préservant ainsi ce site, découvert par 3 adolescents expérimentés en 1922. Le réchauffement climatique menace de les abîmer; leur accès, déjà limité, pourrait devenir interdit au public à l’avenir.

Cette pause culturelle intéressante et émouvante nous fait arriver juste à temps à Saint-Cirq-Lapopie, village perché très connu pour son cachet, mais où seulement une poignée d’habitants vivent à l’année.

Raccourci par l’ancienne voie de chemin de fer pour traverser le Lot pour aller à St Cirq Lapopie
Chemin de halage
Art mural sur le chemin de halage
St Cirq Lapopie

Nous apprécions que dans cet endroit hyper-touristique un vrai gîte soit disponible, géré par la patronne d’un restaurant bien sympathique, offrant un accueil pélerin trés correct. Le dortoir est petit, 4 lits, mais rien à faire, Pierre-Olivier n’est pas un colocataire tolérant les ronflements genre « Grande Vadrouille », alors qu’il est partout ailleurs un excellent dormeur. La soirée est rigolote, en compagnie de quatre copines belges, que nous aurons peut-être l’occasion de revoir. Ces derniers jours, les autres marcheurs allaient de Figeac à Cahors exclusivement, contacts sympathiques mais différents de ceux partagés avec des pélerins au long cours.

Rendez-vous le lendemain, dernière halte avant Cahors, chacun gère au mieux cette journée prévue pluvieuse l’après-midi. N’ayant pas visité le village la veille, nous nous y baladons et partons les derniers; et donc serons plus longtemps à nous faire tremper, sautant même le pic-nic par manque d’abri. Vraiment malheureusement, je trébuche sur le chemin caillouteux, comme la plupart des chemins de cette aventure, alors qu’il est plat et sans difficultés. J’ai mal au poignet gauche, mais il reste 5 km sous la pluie battante et de la descente, par chance non glissante. Nous arrivons au gîte avant son heure d’ouverture, mais au vu des pélerins trempés arrivés en avance, l’hébergeuse ouvre, nous fait du thé et s’organise pour le repas à l’intérieur plutôt que dans la cour pour ses 23 pélerins alors que son maximum habituel est de 15. C’est ainsi cette année, tous les hébergeurs sont débordés, le chemin est victime de son succès. Comme je ne peux plus du tout utiliser mes doigts, le lendemain, le 10 mai, nous marchons juste les deux kilomètres nous menant à l’arrêt de bus pour Cahors, direction hôpital. Nous ne le savons pas encore, mais notre chemin de Compostelle est terminé pour cette fois, je ressors avec un plâtre trop important pour continuer. La suite du voyage est à réinventer.