Camino Primitivo : Arrivée à Saint Jacques de Compostelle le 12 octobre

De Lugo, nous savons que nous serons nombreux, en plaine, et partons donc prêts à affronter la foule et le goudron avec la motivation d’arriver, plutôt que de vivre pleinement dans le présent.

Partis à la frontale, parmi des pélerins à l’équipement très léger, le cordon s’étire vite, la frontale et le petit pull sont à nouveau rapidement rangés, pour parcourir les 27 km du jour jusqu’à Ferreira.

Pas de village, quelques auberges à pélerins disséminées dans la campagne et un café restaurant, l’occasion d’un bon souper avec notre ami Markus; aussi notre dernier dortoir minuscule, à 4 paires de lits superposés, l’ultime « sortie de notre zone de confort ». Les trois dernières étapes nous « décevront en bien »,  beaucoup de chemins de forêts, peu de goudron et ayant découpé un peu différemment que la majorité le parcours restant, nous ne sommes pas envahis par le monde et pouvons marcher à notre rythme, seuls parfois. Les toits sont en tuiles rouges, les portes des maisons traditionnelles ont une  treille de vigne comme auvent.

Les hòrreos (greniers) sont en bois, nous avons quitté le granit.

A Melide, nous retrouvons notre petite équipe et allons manger des poulpes et des coquilles saint Jacques dans une grande cantine, (pulperia Ezequiel), une étape incontournable pour les pélerins.

Départ de Mélide
Tableau électronique pour réserver une chambre à Santiago, rappel à la réalité.
Le Camino s’invite partout même dans les pubs de bière.
Pub avec la maxime du poète Machado, Caminante, no hay camino, se hace camino al andar. Marcheur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant.
Dans les faubourgs de Santiago, nous avions pris la même photo en 2017 avec nos vélos.

Nous arrivons sur la grande place devant l’imposante façade de la cathédrale de Santiago le 12 octobre, vers 15 heures.

Km 0, au centre de la place

Le bureau des pélerins affiche quelque 1840 pélerins arrivés avant nous ce jour. Que d’émotions diverses, de la joie d’avoir terminé sans encombre, en forme, d’avoir vécu cette longue expérience à deux comme tant d’autres, le sentiment aussi de ne pas réaliser que nous vivons la fin d’une aventure. Pierre-Olivier ressent un peu de solitude. Nous tournons dans cette magnifique vieille ville avec notre sac, nos souliers de marche, reculons le moment de les déposer, car nous ne serons plus pélerins.

La météo est magnifique, la place et la grande façade baroque de la cathédrale resplendissent sous le soleil et le ciel parfaitement bleu, des pélerins arrivent, quelques-uns à vélo, l’ambiance est gaie, pas saturée de monde. En fait, le jour de la fête nationale, les magasins sont fermés, les restaurants n’offrent pas de menu du jour, la ville est plus calme et les tours opérateurs y sont absents. Finalement, une excellente date pour arriver et visiter.

A peine arrivés, des jeunes demandent à nous interviewer pour leur projet de Master: « quelle était notre motivation, le moment le plus difficile, sentons-nous plus forts d’avoir vécu ce chemin,…. » Marrant, en 2017 avec nos vélos, nous avions été interviewés exactement de la même façon; nous devons avoir le profil-type et certains Masters perdurent ou se répètent. Nos émotions, les réponses sont toutes positives, mais complexes. Oui c’est une expérience unique; sans être religieuse pour nous, elle n’est pas uniquement sportive, les rencontres, la répétition jour après jour, l’absence d’autres activités que la marche sont des aspects philosophiques cruciaux. Le changement quotidien d’hébergement est un aspect important à gérer, en augmentant le confort, les contacts diminuent, jusqu’à sortir de l’esprit du Camino. Ce n’est pas la plus magnifique des randonnées, c’est autre chose, et le plus difficile a été de dormir, et non de marcher même en ayant parcouru plus de 800 km depuis le 5 septembre et quelque 1600 km cette année.

Nous logeons dans un dortoir immense de 11 lits, bien espacés, au séminaire Mayor, un immense ancien monastère, une vrai fin de Camino, et les seules places trouvées quatre jours auparavant.

Le lendemain, nous nous réveillons dans le bruit de la tempête de vent et de pluie. Nous visitons l’intérieur de la cathédrale, pris dans des queues sans fin, au milieu de groupes de touristes guidés.

Par ce déluge, la visite du reste de la vieille ville est escamotée au profit du musée des pélerins, qui s’avère très instructif au sujet de l’histoire légendaire de Saint Jacques, du développement du chemin et de son énorme impact sur tout le développement du nord de l’Espagne. La « découverte » du corps de St Jacques, arrivé de Jérusalem dans une barque, avait servi l’unification des Espagnols contre les Sarrasins sous le roi Alphonse II (9ieme s.) et initié le pélerinage. La re-découverte au 19 ième siècle des « soi-disantes reliques », cachées au 16 ième pour les sauver du pirate Drake (anglais) sous le presbytère de la cathédrale, a donné une seconde vie au pélerinage tombé en désuétude et permis un essor économique important, avec notamment le développement de villes telles que Burgos, Léon. Le phénomène des pélerinages, présent dans toutes les religions, l’effort physique répété et les opportunités de réflexion qui en découlent y sont aussi abordés.

L’aspect philosophique de notre périple sera complété par la messe des pélerins, cathédrale comble, sermon en espagnol parlé lentement, nous sommes tous impressionnés de ce que nous comprenons, en français et en anglais. Par chance, le Botafumeiro, grand encensoir de plus 60 kg mû par une corde de 100kg et 65 mètres de long, est actionné, nécessitant  8 écclésiastiques pour se balancer très rapidement à 20 mètres au-dessus de nos têtes. A l’époque, les pélerins dormaient dans la cathédrale et l’encens couvrait les odeurs de l’air vicié.

Puis, aussi utopique que cela puisse paraître, nous arrivons à retrouver nos amis et à manger ensemble sans trop de bruit ambiant pour nous quitter avec beaucoup d’émotions.

Nos amis Antonius et Joannes sont déjà loin, par chance nous avions pu passer un moment avec eux, café Churros d’adieux, très émouvants pour moi vu les contacts et les échanges partagés.

Le lendemain, nous partons en bus au cap Finisterre. En espagnol, Fisterra signifie « là où la terre finit et où elle commence ». Ce cap a été vénéré bien avant la chrétienté. Avec l’hypothèse de la Terre plane, pour trouver l’endroit où disparaît le soleil, les Anciens avaient suivi la voie lactée et les couchers de soleil et identifié ce cap comme l’ultime point géographique de disparition du soleil. Nous sommes en effet à l’extrémité ouest de notre continent.

Le phare et le cap sont touristiques, la route permet d’y accéder en quelques pas, nous revenons de notre ballade (6 km, c’est rien !) pour rejoindre une plage moins prisée indiquée par notre charmant hôtelier. Le ciel est nuageux, quelques surfeurs s’en donnent à cœur joie dans de bons rouleaux.

Vu la chaleur des derniers jours, notre week end de repos à la fin de notre voyage pouvait s’imaginer à la plage, mais le soleil a disparu avec nos pas sur le Camino. Nous essayons d’engranger du repos pour affronter la nuit en bus, puis le train jusqu’à Bordeaux, et les heures de TGV par Paris qui nous ramèneront à Gryon, à condition de partir tôt de Bordeaux pour pouvoir avoir une correspondance jusqu’à notre village perché.

Et si…. Les trains de nuit étaient mieux rétablis, et si…. La France pouvait une fois se traverser d’ouest en est… Et si…. Le kérosène était taxé comme l’essence. Les utopies ne doivent jamais être oubliées, elles ont toujours une vérité en d’autres temps.

Une réflexion sur « Camino Primitivo : Arrivée à Saint Jacques de Compostelle le 12 octobre »

  1. Voilà la fin d’une belle aventure riche de rencontres et d’émotions.
    Un immense merci d’avoir partager ces moments avec nous, moments enrichissants tant sur le plan humain que sur le plan géographique.
    Le retour n’a pas dû être facile, retrouver un rythme sédentaire , ne plus être dans l’énergie du camino oui cela demande sûrement un temps de réadaptation
    Alors rendez vous pour le prochain périple et merci encore pour ce partage.
    Gros bec à vous deux
    Marie

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